Exoplanètes : enfin une image ?

Pour la première fois, une équipe internationale aurait réussi à photographier une planète en orbite autour d'une étoile autre que notre Soleil. En attendant de nouvelles observations qui viendront confirmer ces premiers résultats, les chercheurs restent très prudents...

Par Olivier Boulanger, le 15/09/2004

L'image tant attendue

La première image d'une planète extrasolaire?

Une petite tache rouge accolée à la naine brune 2M1207… cette image est peut-être historique ! Réalisée par une équipe internationale à l'observatoire européen du Paranal, au Chili, ce cliché pourrait bien constituer la toute première image d'une exoplanète, c'est-à-dire une planète gravitant autour d'une étoile autre que notre Soleil*.

Certes, [qactu:1765]depuis 1995[/qactu], plus d'une centaine de ces planètes extrasolaires ont pu être détectées. Mais toutes l'ont été grâce à des méthodes indirectes : celle des « vitesses radiales », qui consiste à étudier les variations de vitesse d'une étoile dues à la présence d'une ou plusieurs planètes ; ou encore celle des « transits », consistant à détecter la baisse de luminosité périodique d'une étoile lorsqu'une planète passe devant son disque. En résumé, aucune des planètes extrasolaires identifiées à ce jour n'avait été observée.

Qu'est-ce qu'une naine brune ?

Où se situe la limite entre naine brune et planète ?

Les naines brunes sont des corps gazeux intermédiaires entre les étoiles et les planètes. En raison de leur masse trop faible, aucune réaction de fusion thermonucléaire (qui alimente habituellement les étoiles en énergie) n'est possible. Lorsqu'elles sont jeunes, les naines brunes sont soumises à une contraction gravitationnelle qui les échauffe jusqu'à environ 3000 °C. Elles sont alors faiblement lumineuses.

* Ces travaux doivent paraître très prochainement dans la revue Astronomy & Astrophysics ; une version préliminaire de cette publication est disponible au format pdf.

VLT et optique adaptative

Yepun est l'un des quatre télescopes de 8,20 m du VLT

Pour réellement voir une planète extrasolaire, il faut disposer d'un instrument d'une extrême résolution. Le télescope spatial Hubble, malgré ses qualités, ne dispose pas d'un miroir suffisant pour atteindre cet objectif : seuls les grands télescopes terrestres en sont actuellement capables. Ceux-ci sont néanmoins sensibles aux turbulences atmosphériques. Pour s'en affranchir, le télescope Yepun de 8,20 m – l'un des quatre instruments du VLT – dispose depuis quelques années d'une optique adaptative. Cet outil, baptisé NAOS, est capable de corriger en temps réel, grâce à un miroir déformable, les images perturbées par l'atmosphère. C'est avec cette instrumentation qu'une équipe d'astronomes européens et américains tente depuis plusieurs années de dénicher une planète extrasolaire.

Hubble contre NAOS...

« Nous savions, d'après les modèles, que NAOS avait toutes les capacités requises pour cette recherche, confie Anne-Marie Lagrange du Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble. À condition toutefois de privilégier des objets proches et jeunes : proches parce qu'il est toujours plus facile d'observer des objets peu éloignés ; jeunes parce que les planètes en cours de formation sont chaudes, et par conséquent, lumineuses. » L'équipe scientifique s'est ainsi intéressée à un groupe d'étoiles jeunes situées dans la constellation de l'Hydre, à « seulement » 230 années-lumière du système solaire. Et assez rapidement, les chasseurs de planètes ont pu déceler plusieurs corps faiblement lumineux, visiblement liés à une étoile. Des études plus approfondies ont cependant révélé que ces objets étaient soit des étoiles, soit des corps complètement dissociés des étoiles auxquelles on les croyait gravitationnellement liés.

Planète en vue ?

En avril 2004 pourtant, les chercheurs observent près de la naine brune 2M1207 un objet très froid et très discret, tout juste perceptible par la caméra infrarouge du télescope. Son analyse spectrale, réalisée avec grande difficulté en raison de sa faible luminosité, révèle qu’il contient de l’eau ! Ce corps est alors provisoirement baptisé GPCC pour « Giant Planet Candidate Companion », que l’on pourrait traduire par « compagnon candidat au statut de planète géante »…

Comparaison entre le système 2M1207 et le système solaire

D'après les modèles, GPCC serait une géante gazeuse, un peu comme Jupiter, mais cinq fois plus massive et dix fois plus chaude (environ 1000°C). Elle graviterait à 55 UA* de sa naine brune, soit deux fois la distance Neptune-Soleil.

* 1 UA = 1 Unité Astronomique, soit la distance moyenne Terre-Soleil

Incertitude

Les auteurs restent malgré tout très prudents face à leur découverte. Si aucune observation ne vient contredire l'hypothèse que GPCC est bien une planète géante en orbite autour de 2M1207, il faut maintenant s'assurer que ces deux objets sont réellement liés physiquement. Certes, on pourrait attendre que GPCC effectue une révolution autour de sa naine brune, mais cela pourrait prendre une centaine d'années… Quant à essayer d'observer une fraction de sa révolution sur quelques années seulement, le télescope de 8,20 m, même équipé de NAOS, n'en est pas capable. « En revanche nous pouvons tester les mouvements propres, explique Anne-Marie Lagrange. Si nous pouvons vérifier, dans un an ou deux, que les deux objets se déplacent bien de la même façon dans le plan du ciel, cela constituerait une preuve suffisante qu'ils sont liés physiquement. »

Olivier Boulanger le 15/09/2004