Hiver rigoureux : quels liens avec le réchauffement climatique ?

Selon des chercheurs, la fonte de la banquise arctique serait à l'origine de masses d'air froid vers le continent européen. Des conclusions fortement nuancées par les experts français.

Par Romain Lejeune, le 30/12/2010

La fonte des glaces en question

La vague de froid expliquée par Patrick Galois, prévisionniste à Météo France.

Le 5 novembre, deux chercheurs russes de l'université de Postdam et Kiel ont publié une étude dans la revue Journal of Geophysical Research – Atmosphere faisant état des conséquences de la fonte de la banquise arctique sur le climat européen. Selon eux « la diminution anormale des glaces dans la mer de Barents pourrait entraîner des épisodes de froid extrême comme ce fut le cas durant l'hiver 2005 ». Ainsi, la réduction de la banquise permettrait aux rayons solaires de pénétrer dans l'océan Arctique et de renvoyer dans l'atmosphère une masse d'air froid chargée d'humidité. Cette masse d'air serait alors conduite vers l'Europe par des vents de nord et de nord-est, et provoquerait une baisse des températures.

Une théorie qui séduit de plus en plus la communauté scientifique, mais qui n'est pas partagée par tous les experts du climat. « Je ne pense pas que les vagues de froid que nous connaissons soient le signe d'un dérèglement climatique quelconque, explique Patrick Galois, prévisionniste à Météo France. « C'est surtout la variabilité naturelle de notre climat qui contribue à ces phénomènes ». Une variabilité déjà vérifiée dans le passé. En janvier 1985, février 1986 et janvier 1987, trois vagues de froid successives avaient touché la France, suivies d'une série d'hivers plus doux. « Le fait que le climat se réchauffe n'est pas démenti, tempère Patrick Galois. Pour autant, tant qu'il y aura des saisons, nous aurons des épisodes froids ou neigeux dans notre pays. »

« Ne pas se focaliser »

Hervé Le Treut : « L’évolution du climat est une évolution statistique »

Même réserve du côté de l'Institut Pierre-Simon Laplace. « Il ne faut pas se focaliser sur nos régions. Le réchauffement climatique est un phénomène global qui a des conséquences dans différents endroits du monde, rappelle le directeur de l'Institut de recherche en sciences de l'environnement, Hervé Le Treut. Mais pour l'essentiel, les hivers très froids tels que l'on peut les observer relèvent de phénomènes naturels ».

Concernant les travaux des deux chercheurs russes, le climatologue reste également mesuré. « Depuis trente ans, la réduction de la banquise arctique est très probablement associée au réchauffement de la planète, mais son effet sur les masses d'air ne peut pas être aujourd'hui affirmé ». Si d'autres modèles doivent être réalisés pour mieux comprendre les impacts du changement climatique sur l'environnement, la tendance globale reste au réchauffement. « Cependant, cela ne veut pas dire qu'il va faire chaud tout le temps et partout », estime Hervé Le Treut.

2010 : un bilan paradoxal

Les températures moyennes pour l'année 2010 en France et dans le monde seront communiquées au début du mois de janvier. Toutefois, des tendances apparaissent d'ores et déjà. « En France, nous pouvons dire que cette année sera l'une des plus fraîches depuis quinze ans, précise Patrick Galois. À l'échelle planétaire, ce sera peut-être l'une des années les plus chaudes jamais observées, au niveau des précédents records de 2005 et 1998. »

Romain Lejeune le 30/12/2010