Grippe A(H1N1) : l'heure du bilan ?

Alors que la gestion de la grippe A(H1N1) continue de faire débat, la communauté scientifique a souhaité le 24 juin dresser son propre bilan : présenter les recherches en cours et surtout en appeler à la poursuite des efforts déjà entrepris.

Par Paloma Bertrand, le 25/06/2010

Répondre à l’urgence

« Un an et quelques mois après le début de la pandémie, le temps n'est pas encore venu d'annoncer les résultats des recherches qui ont été initiées avec l'apparition de la nouvelle grippe. Il n'en reste pas moins nécessaire de dresser un premier bilan des efforts qui ont été accomplis », déclare Jean-François Delfraissy lors de la conférence de presse qui s'est tenue au siège de l'Inserm le 24 juin.

Grippe A(H1N1) : quelques chiffres en France

En France, entre 8 et 14 millions de personnes auraient été infectées par le virus H1N1, soit 13 à 24 % de la population. Une fourchette dont l'écart s'explique par le fait qu'un grand nombre de personnes pourraient avoir été infectées sans pour autant déclarer de symptômes de la maladie, c'est ce que l'on appelle les formes asymptomatiques de la grippe.

Cas de grippe déclarés : 46% de jeunes âgés de 1 à 14 ans, 53% de personnes âgées de 14 à 65 ans et seulement 2% de personnes âgées de + de 65 ans. La surreprésentation des enfants et des jeunes adultes est encore inexpliquée. Quant aux personnes âgées, elles pourraient avoir acquis une immunité lors d'épisodes de grippe passés.

1334 personnes ont été admises en réanimation pour des formes très graves de la maladie et 308 personnes sont décédées. Parmi les personnes ayant déclaré une forme grave de la maladie, 80% des cas présentaient des facteurs de risque connus (maladie respiratoire chronique, diabète, déficit immunitaire, maladie cardiaque). 5% étaient des femmes enceintes et 5% des personnes souffrant d'obésité.

Jean-François Delfraissy

L'Institut de microbiologie et de maladies infectieuses qu'il dirige s'est vu confier par les ministères de la Recherche et de la Santé, l'organisation, dès mai 2009, de la recherche française sur le syndrome grippal. « Avant l'apparition du virus, que ce soit au CNRS, à l'Inserm ou à l'Institut Pasteur, seule une dizaine d'équipes, soit moins d'une centaine de personnes en France, travaillaient déjà sur la grippe. Il a fallu, entre mai et septembre, élaborer et valider une vingtaine de projets de recherches et trouver en parallèle les financements nécessaires, soit 13 millions d'euros.»

Une situation exceptionnelle dont Jean-François Delfraissy tire les premières leçons : « Il faut reconnaître que la communauté scientifique a été réactive. Et l'on peut en dire autant des instances administratives. La première s'est mobilisée dès le début de la pandémie pour définir une trentaine de projets prioritaires et les adapter au fur et à mesure que les données sur l'épidémie avançaient : réorienter les recherches sur les formes graves et les formes asymptomatiques, deux formes très spécifiques de ce virus A(H1N1), par exemple. Quant à l'administration, les autorisations pour les essais thérapeutiques ont été donnés en quelques jours quand il faut habituellement plusieurs mois. »

<div class="alt"><a target="_blank" title="Grippe A(H1N1) : apr&egrave;s la pand&eacute;mie..." href="http://www.universcience-vod.fr/media/1412/grippe-a-h1n1----apres-la-pandemie---.html">Grippe A(H1N1) : apr&egrave;s la pand&eacute;mie...<br /> <img alt="Grippe A(H1N1) : apr&egrave;s la pand&eacute;mie..." border="0" src="../../../../../../../video.universcience.tv/1/71a09de7-2049-418a-a049-e2eece8c1575/thumbnail.png" /></a><br /> <p>Avec <strong>Marc Gentilini</strong>, professeur de m&eacute;decine &eacute;m&eacute;rite, sp&eacute;cialiste des maladies infectieuses, et <strong>Jean-Paul Moatti</strong>, professeur d'&eacute;conomie &agrave; l'universit&eacute; Aix-Marseille-II, directeur de l'Institut f&eacute;d&eacute;ratif de recherche &quot;Sciences humaines, &eacute;conomiques et sociales de la sant&eacute;&quot; (CNRS/universit&eacute; Aix-Marseille /Inserm/IRD).</p> <p>&nbsp;</p> <p><em>D&eacute;bat en 3 parties accessibles dans MENU / chapitres.</em></p> <p>&nbsp;</p> </div>

 

De multiples pistes de recherche

Présents à la conférence de presse, Jean-Claude Desenclos, directeur scientifique à l'Institut de veille sanitaire, Odile Launay qui dirige le Centre d'investigation clinique de vaccinologie Cochin-Pasteur et Sylvie Van der Werf de l'Institut Pasteur, ont évoqué les travaux en cours.

Une partie des recherches s'attache à explorer les caractéristiques propres à cette nouvelle grippe pour comprendre, par exemple, pourquoi les jeunes et les adultes de moins de 45 ans ont été les victimes les plus nombreuses et pourquoi certains d'entre eux ont développé la maladie et d'autres non.

La recherche sur le vaccin, quasi inexistante jusqu'au début de l'épidémie (une seule publication scientifique sur le thème du vaccin contre la grippe dans toute l'histoire de la recherche française !), démarre. Ainsi des populations fragiles comme des patients atteints du VIH, des femmes enceintes et des personnes transplantées ont fait l'objet d'un suivi minutieux. Du côté des sciences humaines et sociales, une équipe va analyser la campagne de vaccination menée en France en la comparant à celle du Québec car, avec des modes opératoires identiques, les résultats ont été très différents (70% des Québécois ont accepté de se faire vacciner contre seulement entre 8 et 10 % de la population française).

Une autre piste d'investigation est l'élaboration d'un outil de diagnostic performant qui a fait défaut lors de l'épidémie.

Quant à la recherche fondamentale sur les virus grippaux et ses hôtes (humain, porcin, aviaire), de nombreuses pistes sont suivies à l'Institut Pasteur pour comprendre, entre autres, la circulation des virus dans la faune sauvage, les mutations et les recombinaisons possibles, les déterminants du franchissement de la barrière des espèces, les facteurs génétiques qui pourraient expliquer le développement chez certaines personnes de formes graves de la maladie.

Paloma Bertrand le 25/06/2010