Clonage : quels risques ?

Quels sont les problèmes médicaux, éthiques, sociétaux soulevés par la technique de clonage ?

le 24/02/2003

Quels sont les problèmes médicaux rencontrés chez les clones animaux ?

Douze veaux clonés par des chercheurs fr...

La technique du clonage reproductif reste aléatoire. Son taux de réussite est très faible : quelques naissances pour une centaine d’ovocytes reconstitués. De plus, les clones présentent souvent des dérèglements du développement et la mortalité post-natale est très forte. On pense que ces échecs peuvent être dus à une mauvaise réactivation des programmes génétiques dans le noyau transféré.

Mais d’autres facteurs rentrent en ligne de compte : l’environnement du noyau quand il est introduit dans l’ovocyte, le milieu dans lequel a été cultivé l’embryon avant d’être transplanté, l’environnement du fœtus dans le ventre de la mère porteuse. La technique du clonage permet de montrer que dès le tout début du développement d’un embryon, l’environnement joue un rôle important. Bref, que nous sommes loin de n’être que le résultat de l’expression des gènes.

Techniquement, pourrait-on aujourd’hui avoir recours au clonage thérapeutique chez l’homme ?

Produire des tissus par clonage thérapeutique nécessite de mettre en culture des cellules embryonnaires, puis de leur donner l’ordre de se différencier. Or, in vitro, une différenciation ne donne jamais 100% de cellules d’un même type. Il faudrait donc parvenir à trier et isoler les cellules d’intérêt, ce qui est encore loin d’être parfaitement maîtrisé. Des résultats tout à fait convaincants ont été obtenus chez la souris mais de façon encore trop occasionnelle.

Quels problèmes pose l’incontournable recours aux ovocytes ?

Aujourd’hui, condition sine qua non à tout clonage, l’obtention d’ovocytes devrait faire l’objet d’un contrôle strict. En effet, même si seul le don d’ovocytes était autorisé, qui pourrait empêcher un trafic parallèle, rémunérant des femmes donneuses et comblant les demandes de riches malades en attente d’une greffe ? Impossible alors d’assurer la qualité et la sécurité des soins.

Pour éviter cela, on peut imaginer qu’il sera un jour possible de transférer des noyaux de cellules humaines dans des ovocytes d’animaux. Aurait-on alors moins de scrupules à utiliser pour la recherche ou à des fins thérapeutiques ces embryons hybrides, mi-homme, mi-animal ? Mais ces embryons arrêtent de se développer au bout de quelques jours.

La question scientifique à laquelle il n’y a pas aujourd’hui de réponse est celle de savoir si le cytoplasme de l’ovocyte est requis pour obtenir un développement à terme ou si il n’est là que pour permettre les premières divisions de l’œuf fécondé avant que les gènes de l’embryon assurent les synthèses nécessaires au développement normal.

Clonage humain et éthique sont-ils compatibles ?

Avec les problèmes techniques qui accompagnent le clonage se posent les questions éthiques. Si le clonage reproductif humain est condamné, presque à l’unanimité, le clonage thérapeutique suscite lui de vives controverses : vertigineuse opportunité thérapeutique ou intolérable exploitation de la vie ? On touche en effet ici un point sensible au carrefour des préoccupations religieuses, bioéthiques et médicales : le statut de l’embryon humain. À partir de quand peut-on le considérer comme une personne ? Porte-t-on atteinte à la dignité humaine en créant des embryons uniquement à des fins thérapeutiques ?

Il est délicat de trouver un consensus à ces questions qui font écho à des conceptions si intimes de la vie. L’hétérogénéité des lois entre pays en témoigne. En France, malgré les avis favorables au clonage thérapeutique de l’Académie des sciences et du Comité Consultatif National d’Éthique, une loi interdisant toute forme de clonage humain a été votée par le Sénat en janvier 2003. Son examen par l’Assemblée nationale en deuxième lecture est prévu pour fin mars.

Quel serait le statut civil d’un clone humain ?

Du point de vue du droit, il serait l’enfant de la femme qui l’aurait mis au monde et de l’homme qui l’aurait reconnu. Mais la question de la filiation biologique des clones humains resterait pour le moins problématique ! Ni frère, ni fils, ni même jumeau…

La question se complique quand on prend conscience qu’un clone pourrait avoir cinq mères : la mère donneuse de l’ovocyte, la mère donneuse du noyau, la mère porteuse, la mère qui élèverait l’enfant et la mère génétique*. Ces relations de parenté totalement redéfinies ne devraient pas pour autant voler aux clones leur nature humaine. La question du statut des clones humains reste heureusement fictive, car les problèmes techniques et éthiques qui s’y ajoutent rendent aujourd’hui inacceptable d’autoriser le clonage reproductif humain.

* un individu issu d’une fécondation hérite d’un lot de chromosomes paternels amenés par le spermatozoïde et d’un lot de chromosomes maternels présents dans l’ovocyte. Il possède donc la moitié du patrimoine génétique de chacun de ses parents. La femme qui possède la moitié de ses chromosomes en commun avec un clone n’est pas la mère donneuse du noyau, mais la mère de celle-ci. Cette femme peut donc être considérée comme la mère génétique du clone.

Lexique

Cellule
Elément fondamental de tout organisme vivant.

Cellule souche
Cellule indifférenciée capable de générer plusieurs lignées cellulaires.

Chromosomes
Eléments en forme de bâtonnets, supports de l’information génétique (héréditaire), présents dans le noyau des cellules.

Différenciation
Processus par lequel une cellule se spécialise dans une fonction précise (musculaire, nerveuse…).

Gamète
Cellule reproductrice mâle (spermatozoïde) ou femelle (ovocyte, encore appelé ovule).

Gène
Unité d’information portée par les chromosomes, dictant la fabrication d’une ou plusieurs molécules de la cellule.

Mitochondrie
Petit élément cellulaire produisant de l’énergie, possédant ses propres chromosomes, et transmis uniquement par la mère lors d’une fécondation.

Noyau
Elément central d’une cellule, contenant notamment les chromosomes.

Oeuf
Première cellule d’un être vivant, résultant d’une fécondation (rencontre des gamètes mâle et femelle) ou pouvant être créé e artificiellement par les techniques de clonage.

Totipotence
Capacité de certaines cellules à générer tous les types de cellules et à engendrer un organisme complet.

Transgenèse
Technique de modification artificielle des gènes produisant des OGM (organismes génétiquement modifiés).

Xénogreffe
Greffe de tissus ou d’organes animaux sur l’homme.

Ouvrages et sites Internet

Qu’est ce que la vie – Le clonage, Jean-Paul Renard, Odile Jacob, 2000
Texte de la 28ème conférence de l’université de tous les savoirs. Un point rapide et complet sur le clonage, ses applications, ses problèmes.

Clonage, à qui le tour ? – Les enquêtes de Marie-Odile Monchicourt, Jean-Paul Renard, Platypus Press, 2003
La chroniqueuse scientifique fait appel à un chercheur de renom pour répondre aux questions de toute sorte que l’on peut se poser à propos du clonage.

Cloner est-il immoral ?, Laurent Degos, Le Pommier, 2002
Des réponses claires apportées par un chercheur aux questions éthiques soulevées par le clonage.

Concevoir l’embryon, Jacques Montagut, Masson, 2000
Panorama des pratiques et des lois concernant un des thèmes sous-jacents au clonage : l’embryon humain.

Science et décision
L'information scientifique sous forme de questions-réponses courtes, abordant les réalités scientifiques ayant un impact sur notre cadre de vie.
http://www.science-decision.net

Futura Sciences
L’actualité scientifique au jour le jour, complétée par des dossiers d’information accessibles à tous.
http://futura-sciences.com

Science Citoyen
Site de la Mission Culture Scientifique et Technique de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg, proposant des dossiers sur des thèmes d’actualités scientifiques.
http://science-citoyen.u-strasbg.fr

Site du Comité Consultatif National d’Éthique
Site regroupant tous les avis du CCNE et proposant une revue de presse éthique hebdomadaire.
http://www.ccne-ethique.org

Site du Sénat
Tous les textes juridiques officiels concernant les lois de bioéthique.
http://www.sénat.fr  

le 24/02/2003