2012, l’année du Higgs

C’est une certitude : en 2012, grâce au LHC, les physiciens sauront si la « particule de dieu », celle qu’ils ont inventée pour échafauder leur modèle standard relève de la réalité ou de la fiction. Les premières mesures montrent quelques signaux pouvant être associés au boson... mais rien encore de significatif.

Par Viviane Thivent, le 10/12/2011

2012, la fin d’un monde… théorique ?

Simulation de la désintégration d'un boson de Higgs

Non, 2012 ne sera pas l’année de l’apocalypse. Et non, le LHC – le plus puissant des accélérateurs de particules jamais construit – n’engendrera pas un trou noir cataclysmique capable d’avaler tout de go Saint-Genis, Genève, la Suisse, la France et dans son élan le reste de la planète. Non. Mais que les adorateurs des prophéties se rassurent, les chercheurs du Cern ont pensé à eux. La preuve.

Fin juillet, à Grenoble, les physiciens se sont mus en oracles, annonçant sans crainte ni doute que cette fois ça y était : d’ici la fin de l’année prochaine, grâce au LHC, ils seront en mesure de confirmer, ou d’infirmer, l’existence du boson de Higgs, la particule bizarroïde que, dans les années 1960, les théoriciens ont dû inventer pour sauver le modèle standard, la théorie reine de la physique des particules.

Annonce anticipée ?

Le 13 décembre 2011, des physiciens du LHC ont présenté des premiers résultats. Sur les milliards de milliards de collisions observées par les détecteurs, une poignée (3 dans une expérience, 5 dans l'autre) ont une signature énergétique propre au boson de Higgs. Le très faible nombre d'événements vus ne permet pas néanmoins d'affirmer que le boson de Higgs existe. Il pourrait s'agir d'un simple artefact. Seules d'autres mesures associées à un traitement statistique rigoureux permettront de trancher la question.

Le boson de Higgs dans le modèle standard

Vue par la lorgnette du modèle standard, la matière est constituée de particules élémentaires – comme des quarks ou des électrons – qui interagissent au travers de forces qui sont elles-mêmes véhiculées par des particules messagers, comme des gluons ou des photons. « Le modèle standard n’est pas la seule théorie permettant de décrire le comportement de la matière, explique Pascal Pralavorio, du Centre de physique des particules de Marseille (CPPM), expérimentateur au Cern. Mais il est le seul à être prédictif. » D’où son intérêt et son prestige au sein de la communauté scientifique.

Malgré tout, cette théorie présente un gros défaut, un talon d’Achille. En effet, dans le modèle standard, en tout cas dans sa version initiale, les particules sont dépourvues de masse. Un état de fait qui, malheureusement, ne correspond pas à la réalité. Les mesures expérimentales ont en effet montré que certaines particules – comme toutes les choses qui nous entourent – ont une masse. Pour pallier ce problème, les chercheurs ont appliqué une rustine théorique à leur modèle en créant un mécanisme et un objet étrange – le boson de Higgs – dont l’apparition confèrerait une masse aux particules. Deus ex machina. Problème résolu... sur le moment.

Car depuis qu’il a été imaginé, en 1964, personne ne l’a vu, ce fameux boson. Aucune preuve, aucun indice, aucune trace d’un éventuel stigmate de sa présence n’a été détectée et ce, depuis quarante-sept ans. Dans ce contexte, on peut s’étonner qu’aujourd’hui les chercheurs soient si certains de trancher la question d’ici fin 2012.

L’origine d’une prédiction

« Une prédiction osée ? Non, pas du tout, assure Pascal Pralavorio. Depuis le 31 mars, le collisionneur fonctionne à un niveau d’énergie suffisant. Nous avons amélioré la qualité des faisceaux en augmentant la densité des protons afin d’accroître la probabilité des collisions, et donc les chances de produire des bosons de Higgs. Désormais, on peut considérer que nous sommes entrés dans la phase de mesures à proprement parler. Si cette particule existe, nous en verrons la signature dans nos détecteurs d'ici fin 2012, voire avant ! »

Car ce n’est pas le boson de Higgs en lui-même que les chercheurs espèrent trouver (sa durée de vie est bien trop courte) mais les produits de sa désintégration. « La théorie nous donne des indications quant à la nature de ces particules filles. Si elles sont observées en excédent, c’est que le boson de Higgs existe très certainement. » Depuis le début des mesures, des signaux pouvant être attribués au boson de Higgs ont d’ores et déjà été observés. Il s’agit néanmoins de rester prudent car de tels signaux peuvent aussi être produits par des mécanismes qui n’ont rien à voir avec le Higgs. Seuls le temps et l’observation d’un grand nombre de collisions permettront de trancher la question.

LHC : l’après 2012

En septembre 2008, à peine mis en route, le LHC est arrêté pendant quinze mois à cause d’un problème d’échauffement localisé. Ceci explique qu’aujourd’hui le LHC ne fonctionne pas à plein régime et que l’énergie de chaque faisceau soit cantonnée à 3,5 TeV*.

Fin 2012, le LHC sera arrêté dix-huit mois, des systèmes de protection seront posés sur chacun des milliers d’aimants du LHC afin d’éviter tout nouvel échauffement. L’énergie des faisceaux de protons passera alors de 3,5 à 6,5 voire 7 TeV, ce qui devrait permettre aux chercheurs de découvrir et d’étudier de nouveaux phénomènes physiques.

* TeV : téraélectronvolt, unité de mesure d'énergie.

Viviane Thivent le 10/12/2011