OGM : une étude accuse

Une étude toxicologique publiée le 19 septembre pointe du doigt les effets toxiques du maïs transgénique NK603 sur une population de rats. Ces résultats, à contre-courant de travaux précédents, réveillent un vieux débat sur la nocivité des OGM.

Par Gautier Cariou, le 21/09/2012

« Des tumeurs grosses comme des balles de ping-pong » peut-on lire dans la presse relayant la dernière publication de l'équipe de Gilles-Eric Séralini. Les conclusions de cette étude parue dans la revue Food and Chemical Toxicology se veulent inquiétantes : les auteurs estiment que la consommation du maïs génétiquement modifié NK603, produit par la firme Monsanto, fait chuter l'espérance de vie chez le rat et augmente les risques de développer des tumeurs.

Deux ans d'étude

Pour tirer de telles conclusions, les chercheurs de l'université de Caen ont testé pendant deux ans divers régimes alimentaires sur plus de 200 rats divisés en quatre groupes. Aux deux premiers groupes, les chercheurs ont délivré des menus à base de maïs transgénique, à des concentrations différentes – avec ou sans Roundup, un herbicide utilisé par de nombreux agriculteurs partout dans le monde. Le troisième groupe a, quant à lui, été nourri avec du maïs non-transgénique accompagné du même herbicide. Les chercheurs ont ensuite comparé ces trois groupes à un groupe-témoin, nourri sans OGM ni Roundup. 

Des tumeurs sur les rats nourris au maïs transgénique NK603

Résultat, l'espérance de vie des rongeurs nourris au NK603 est réduite et les risques de développer des tumeurs mammaires (pour les femelles) et des maladies du foie et des reins, plus importants. Partant du principe que l'espérance de vie d'un rat oscille entre 620 jours (pour les mâles) et 700 jours (pour les femelles), les biologistes ont calculé le pourcentage de rats morts prématurément – c'est-à-dire avant ces âges moyens. Dans le groupe de rongeurs nourris au maïs NK603, ce chiffre atteint 50% à 70%, contre 20% à 30% pour le groupe témoin.

Ces résultats vont donc à contre-courant des études précédentes. Et ils ne suscitent pas seulement un débat au sein de la communauté scientifique, mais sont également surveillés de près par les institutions françaises et européennes.

Des réactions prudentes

Pour l'heure, Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, a indiqué à l'AFP vouloir demander une « vérification » du protocole de cette étude à l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire. Le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) a également été saisi. 

Dans un communiqué publié le 19 septembre, le président du HCB, Jean-François Dhainaut, a tenu à « rappeler que ces questions sont extrêmement sensibles et que l'information doit être maniée avec prudence et sérieux, afin de prévenir la surinterprétation médiatique de données scientifiques qui nécessitent une analyse approfondie avant toute interprétation définitive. »

La Commission européenne a pour sa part appelé l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) à « examiner attentivement » l'étude de l'équipe française. Une contre-expertise « officielle » dénoncée par Joël Spiroux, l'un des auteurs de l'étude. « Nous voulons aussi une contre-expertise, a t-il déclaré au Nouvel Observateur, mais par des chercheurs indépendants. Pas ceux qui produisent les études pour les fabricants d'OGM. Ce qui n'est pas la position de l'Efsa pour l'instant. »

Dans le monde scientifique, toutefois, de nombreux spécialistes se montrent sceptiques. Marcel Kuntz, biologiste et directeur de recherche au CNRS, invite les lecteurs de son blog à prendre cette étude « avec beaucoup de précaution » et pointe certaines faiblesses dans le protocole expérimental. D'autres chercheurs interrogés par l'hebdomadaire britannique New Scientist ont réagi à chaud et entrevoient eux aussi des failles dans l'étude française. Le débat ne fait que commencer...

 

 

Les OGM en France

En Europe, la culture de certains organismes génétiquement modifiés (OGM) est autorisée mais soumise à la directive européenne 2001/18/CE. En principe, la France pourrait donc en cultiver, mais depuis le 7 février 2007, suite à des études mettant à mal le maïs transgénique MON 810, toute culture commerciale d'OGM a été suspendue. Cependant, l'importation de certains produits transgéniques est toujours possible. Pour être considéré comme non-transgénique, un produit ne doit pas contenir plus de 0,1 % d'OGM (seuil fixé par le Haut Conseil des biotechnologies en 2009) contre 0,9% selon la réglementation européenne.

A lire également, notre dossier "OGM : les grains de la discorde".

Gautier Cariou le 21/09/2012