Produits de la performance : quelle efficacité et quels risques ?

À l’école… de la performance

Ritaline et Concerta : quels risques ?

La réussite scolaire faisant figure de premier rempart contre l'insécurité sociale, les enfants sont la cible privilégiée d'un certain nombre de produits (à base de vitamines, oligoéléments, magnésium, oméga 3…) pour améliorer leurs capacités de mémorisation, d'attention, et pour lutter contre la fatigue et le stress.

Depuis 1995, une molécule qui vise à « assagir » les enfants dits hyperactifs (c'est-à-dire présentant un déficit d'attention associé à de l'impulsivité) a fait son entrée en France. Commercialisé sous les noms de Ritaline et de Concerta, le méthylphénidate (un psychostimulant apparenté aux amphétamines) augmente la vigilance, donne un sentiment de bien-être et de puissance et diminue l'impulsivité. Si, pour certains médecins, cette molécule permet de traiter d'authentiques troubles pathologiques, d'autres s'inquiètent de cette médicalisation des « écarts du comportement » de l'enfant qui, selon eux, relèvent bien souvent de problèmes socio-éducatifs.

Depuis le 29 janvier 2006, environ 200 000 personnes ont signé une pétition en ligne contre les risques de dérives des pratiques de soins à des fins normatives et de contrôle social (www.pasde0deconduite.ras.eu.org). Cette pétition fait suite à un rapport d'expertise collective de l'Inserm, publié en septembre 2005, qui préconise un repérage des perturbations du comportement dès l'âge de 3 ans, avec une prise en charge médicamenteuse si les thérapies cognitivo-comportementales ne sont pas efficaces. Un rapport scientifique dont s'est servi le gouvernement pour préparer un plan de prévention de la délinquance qui recommande notamment une détection précoce des troubles du comportement de l'enfant afin de repérer les futurs délinquants.

La maîtrise du sommeil

Du modafinil chez les militaires

D'après une étude rendue publique en mars 2006 par l'Institut national du sommeil et de la vigilance, près de 3 Français sur 10 déclarent souffrir de troubles du sommeil.

Pour lutter contre la fatigue, le marché des produits de la performance propose une diversité de stimulants : des drogues du quotidien (caféine, nicotine) jusqu'au médicament (Modiodal), en passant par les produits naturels (ginseng), les compléments alimentaires (cocktails multivitaminés), voire les drogues illicites (amphétamines, cocaïne).

Pour tenir au travail…

Mais pour s'endormir plus rapidement, et le cas échéant pour contrer les effets des stimulants, on peut également devenir dépendant de substances facilitant le sommeil : en France, 9% des adultes consomment régulièrement (au moins une fois par semaine depuis six mois) des somnifères et tranquillisants*.

La nuit, des pilules pour dormir ; le jour, des pilules pour rester éveillé ? Et, en cas de décalage horaire, un peu de mélatonine pour récupérer ? Une dépense d'argent inutile pour la mélatonine si l'on en croit les résultats d'une récente étude canadienne** qui remettent en cause l'efficacité cette hormone.

Commercialisée en France sous le nom de Modiodal et aux Etats-Unis sous le nom de Provigil, la molécule anti-sommeil modafinil est un succès commercial : ses ventes ont rapporté 575 millions de dollars (472 millions d'euros) à la firme américaine Cephalon en 2005, contre 25 millions de dollars (20 millions d'euros) en 1999. (New Scientist, 18 février 2006, p.34-38).

* Jean-Michel Costes, directeur de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Journée « Addiction et dopage » le 30 mars 2006, Académie des Sciences. ** British Medical Journal, 4 février 2006.

La « pilule du bonheur » n’existe pas !

La dernière génération d'antidépresseurs – inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) – a des effets reconnus chez les malades dépressifs. Mais ces médicaments ont débordé le champ de la médecine et des troubles psychiques, qui est leur terrain naturel, et sont entrés dans celui de la vie quotidienne.

Du fait de leur effet stimulant, conduisant à une espèce de « sérénité sans affect », les antidépresseurs sont parfois utilisés pour atteindre des objectifs imposés par les exigences sociales. Or, tous les médecins sont d'accord sur ce point : il est illusoire de croire que les antidépresseurs sont des pilules de la performance. Outre le fait que l'efficacité des IRS dans ce contexte hors dépression n'est pas prouvée, leur consommation n'est pas sans risques. Plusieurs études suggèrent même un lien entre la prise d'antidépresseurs et la tentative de suicide, voire le suicide, notamment chez les jeunes.

 Les amphétamines ont une action coupe-faim et stimulent la vigilance. Prescrits contre l'hypertension artérielle, les bêtabloquants, quant à eux, s'opposent aux effets du stress (transpiration, tremblements, accélération du rythme cardiaque), ce qui les fait apprécier dans un certain nombre de situations, notamment avant la prise de parole en public.

 En avril 2005, l'Agence européenne du médicament déconseille l'usage de ces médicaments pour les moins de 18 ans. Mais en juin 2006, elle nuance son avis : l'utilisation de l'antidépresseur Prozac peut se faire chez les enfants à partir de 8 ans dès lors que la psychothérapie s'avère insuffisante. Selon l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, la psychothérapie doit absolument rester le traitement de première intention de la dépression chez l'enfant et l'adolescent.

Performance sportive et détournement de médicaments

À l'exception des stupéfiants (principalement amphétamines, mais aussi cocaïne et cannabis), l'essentiel du dopage sportif repose sur des médicaments détournés de leur usage thérapeutique : à titre d'exemple, l'éphédrine (traitement de l'asthme) qui réduit le temps de réaction au départ d'une course ; l'hormone de croissance (nanisme hypophysaire), qui augmente la masse musculaire des sportifs ; l'EPO (anémie des insuffisants rénaux), qui stimule le transport d'oxygène dans le sang et accroît la performance dans les sports d'endurance.

Des amateurs parfois dopés

En général, pour obtenir les effets recherchés, ces médicaments doivent être pris à des doses beaucoup plus élevées qu'en usage thérapeutique. Par exemple, la prise d'EPO (érythropoïétine) est 3 voire 5 fois supérieure aux doses thérapeutiques. Or, l'EPO augmente le nombre de globules rouges et donc épaissit le sang. Si bien qu'au repos, le coeur (dont le rythme est ralenti) peut accidentellement s'arrêter. Et l'effort physique, par l'hyperthermie qui l'accompagne, potentialise encore l'effet de la substance.

Donc, à des fins de performance, certains sportifs sont prêts à prendre des risques importants : l'examen des dossiers médicaux des cyclistes du Tour de France depuis la fin des années 40 par le médecin du sport Jean-Pierre de Mondenard révèle que le risque de décès cardiaque avant 45 ans est cinq fois supérieur à la moyenne.

Toutefois, les sportifs de haut niveau sont encadrés par des médecins. Ce qui n'est pas forcément le cas de certains sportifs amateurs… trop gourmands de performance.

À boire et à manger… !

Au supermarché…

Les laboratoires ne s'arrêtent pas aux médicaments. Ils proposent aussi des compléments alimentaires (vitamines, magnésium, oligo-éléments, oméga 3…) et des produits à base de plantes pour stimuler les ardeurs sexuelles, lutter contre le stress, la fatigue, ou augmenter la mémoire. Disponibles en parapharmacie, ces produits répondent à un besoin de « naturel » chez certains consommateurs. Mais leur efficacité réelle reste à prouver au plan scientifique et ce, d'autant plus qu'ils ne sont pas soumis, comme les médicaments, à une « autorisation de mise sur le marché » avec essais cliniques obligatoires.

Au rayon des compléments alimentaires

Le secteur pharmaceutique n'est pas le seul à répondre à notre souci de performance. Celui de la nutrition s'y intéresse de près. Il existe ainsi toute une gamme de produits (boissons et aliments) supplémentés en caféine, vitamines, etc. destinés à optimiser nos capacités physiques et intellectuelles. Les « alicaments » (terme marketing désignant les aliments médicamenteux) témoignent du rapprochement entre les deux secteurs. Certains prospectivistes, comme Joël de Rosnay, prévoient même pour les prochaines années la naissance d'une « cosméceutique » (cosmétique pharmaceutique). Bref, les frontières peuvent devenir floues entre médicaments, compléments alimentaires et aliments « enrichis ».

Les oméga 3 seraient parés de toutes les vertus, selon leurs promoteurs : bienfaits sur le système cardiovasculaire, l'humeur, les inflammations, effets anticancéreux… Mais une étude publiée dans le British Medical Journal du 24 mars 2006 remet en cause la plupart des effets bénéfiques de ces acides gras comme complément alimentaire, à l'exception d'un certain effet protecteur chez des personnes ayant eu un infarctus du myocarde.

Âge : des traitements pour rester performant

Le mythe de l’éternelle jeunesse

Depuis quelques années, deux grandes classes de produits se partagent le marché du « mieux vieillir » : les antioxydants (vitamines C, E, sélénium, zinc, Juvenon*, extrait de papaye fermentée…), qui ont pour objectif de lutter contre les fameux radicaux libres qui détérioreraient lentement nos cellules. Et les hormones (progestérone, oestrogènes, DHEA, hormone de croissance, testostérone, prégnénolone, mélatonine…), qui visent à combler les carences liées à l'âge**.

La correction d'une déficience, qu'il conviendrait au préalable de vérifier par un test ad hoc, n'est généralement pas considérée par ses promoteurs comme entrant dans le champ de la performance. Le succès commercial de ces produits***, à l'efficacité pas toujours démontrée au plan scientifique, ne doit cependant pas faire oublier les risques associés à leur prise : par exemple, trop d'antioxydants – présents dans beaucoup de compléments alimentaires – peut nuire au bon fonctionnement cellulaire.

* Le Juvenon, complément alimentaire commercialisé aux États-Unis pour lutter contre le vieillissement, contient de l'acétyl-L-carnitine (acide aminé naturel) et de l'acide R-alpha-lipoïque (antioxydant naturel). ** À titre d'exemple, la production de prégnénolone, précurseur direct de la DHEA et de la progestérone, chute de 60% entre 35 et 75 ans. *** Le marché des compléments alimentaires qui, aux États-Unis, intègre certaines hormones, atteint dans le monde les 45 milliards d'euros annuel, d'après le Syndicat national des fabricants en produits diététiques.

Être performant au lit

D'origine physique – liée à un dysfonctionnement organique – ou psychologique, l'impuissance* est une véritable maladie dont le traitement repose sur différentes approches : injection locale de substances qui favorisent l'afflux de sang, implants artificiels ou médicaments par voie orale. L'arrivée à la fin des années 90 d'une nouvelle classe de médicaments (avec le Viagra pour chef de file) a tout chamboulé : ces pilules apparaissent comme simples d'usage, d'action rapide et durable (jusqu'à 36 heures pour certaines d'entre elles), d'une réelle efficacité (améliorant les érections pour 70 à 80% des patients contre 30% sous placebo) et avec relativement peu d'effets secondaires**.

Revers de la médaille : une utilisation parfois abusive de ces médicaments à des fins d'optimisation des performances sexuelles et non plus pour traiter des problèmes d'érection. Un usage détourné rendu possible par l'approvisionnement aisé mais illicite sur Internet : là, plus besoin d'ordonnance, mais le risque d'avoir affaire à des médicaments contrefaits.

En France, quand les laboratoires pharmaceutiques font la promotion de leurs médicaments contre l'impuissance masculine, ils communiquent sur le caractère tabou des troubles de l'érection : selon ces laboratoires***, à plus de 40 ans, près d'un homme sur trois souffrirait d'impuissance (deux hommes sur trois pour les plus de 70 ans) et seulement 25% d'entre eux consulteraient un médecin. À aucun moment, les Viagra (de Pfizer), Cialis (Lilly) et Levitra (Bayer/GlaxoSmithkline) ne sont assimilés à des « dopants sexuels ».

* Impuissance ou dysfonction érectile : incapacité à obtenir et maintenir une érection suffisante pour permettre un rapport sexuel satisfaisant. ** Les principaux effets secondaires de ces médicaments sont : maux de tête, troubles visuels, troubles digestifs, douleurs musculaires… Ils sont contre-indiqués chez les patients cardiaques ou chez les hommes ayant des antécédents cardiovasculaires. *** Source : Lilly France, avec l'Association pour le développement de l'information et de la recherche sur la sexualité.

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