Comment améliorer la prise en charge par la famille ? par la société ?

Appel pour une mobilisation générale

Un an après l'entrée en vigueur en France du plan Alzheimer (2004-2007), qui succédait déjà à un premier plan (2001-2004), un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (Opeps), rendu public en juillet 2005, dresse un bilan assez sévère de la prise en charge de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées.

Selon l'Opeps, la politique de prévention des facteurs de risque est insuffisante, les diagnostics sont établis trop tard, la recherche piétine faute d'un soutien financier adéquat, la prise en charge médicale et médico-sociale est très variable et l'aide aux familles est encore insuffisante. Les leçons tirées par le gouvernement ? La série de mesures annoncées durant l'été 2006 dans le cadre du Plan « Solidarité grand âge » et de la Conférence de la famille. Et le plan Alzheimer 2008-2012, annoncé début 2008 par le président de la République, avec au total 1,6 milliard d'euros sur cinq ans consacrés d'une part au renforcement de la recherche, d'autre part à l'amélioration de la prise en charge des malades.

Les « mesures phares » du plan Alzheimer

Inspiré par la commission présidée par le Pr. Joël Ménard, le plan Alzheimer 2008-2012 se décline en quatre volets.

  • Financement : de 300 millions d'euros (en 2008) à 500 millions (en 2012), soit un total de 1,6 milliard d'euros prévus pour la lutte contre la maladie d'Alzheimer – les « franchises médicales » devant financer les volets « santé » et « solidarité ».
  • Recherche : une fondation de coopération scientifique adossée à l'Inserm aura pour mission « d'attirer les meilleurs chercheurs français et étrangers et de soutenir les meilleures équipes » avec un budget de 200 millions d'euros.
  • Prise en charge : un guichet unique de prise en charge orientera les familles et des « maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades » seront créées dans chaque département.
  • Expérimentations : 38 consultations Mémoire et 3 centres Mémoire de ressources et de recherche verront le jour d'ici 2012. Mise en place d'un dispositif d'annonce de la maladie calqué sur celui existant déjà pour le cancer. Enfin, l'amélioration de la vie des malades et des aidants est prévue dans la durée, avec une aide pour ceux qui veulent et peuvent rester à domicile, et le financement de lieux spécialisés comme « les 30 000 places qui feront l'objet d'un renforcement en personnel pour offrir aux patients des soins et des activités adaptées ».

Les promesses du plan « Solidarité grand âge »

Suite à l'électrochoc causé par les 15 000 personnes décédées lors de la canicule de 2003, le gouvernement a mis en place un plan « Vieillissement et solidarité » (2004-2007) en faveur des personnes âgées dépendantes. Objectifs affichés : faciliter le maintien à domicile et renforcer l'encadrement dans les maisons de retraite.

Dans la continuité de ce plan, le nouveau plan « Solidarité grand âge » (2007-2012) prévoit une augmentation du nombre de places en hospitalisation à domicile (de 8 000 en 2005 à 15 000 en 2010) et la création de 5 000 places par an en institution. Le taux d'encadrement en personnel soignant doit passer de 0,45 employé par personne âgée à 0,65 en 2012 (et 1 pour les personnes très dépendantes).

Une consultation de prévention gratuite, notamment sur les maladies de type Alzheimer, est également prévue pour toutes les personnes de 70 ans. Des mesures qui, selon les professionnels du secteur*, vont dans le bon sens puisqu'elles permettraient de faire décoller le plan Alzheimer (2004-2007). Mais qui restent très insuffisantes au regard du rattrapage à opérer et surtout au vu de l'évolution démographique : 1,1 million de personnes de plus de 85 ans en 2005, le double en 2020.

* D'après l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss).

Dispositifs de prise en charge pour les patients vivant à domicile

60% des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (ou maladie apparentée) vivent avec leur famille et 40% en institution. Pour les patients vivant à domicile, ont été recensés en France en 2005 :

  • 595 lieux de diagnostic et de suivi thérapeutique
  • 784 lieux d'information ou de coordination gérontologique
  • 5 390 services d'aide ou de soins infirmiers à domicile
  • 428 accueils de jour
  • 838 dispositifs d'aide (groupes de parole, soutien psychologique, formation, etc.)


Source : Fondation Médéric Alzheimer.

Les « aidants » familiaux : un statut enfin reconnu

Initialement portée par le secteur associatif, en particulier France Alzheimer, l'aide aux « aidants » familiaux semble devenue une priorité des décideurs politiques. En témoigne l'annonce lors de la Conférence de la famille*, en juillet 2006, de la création d'un « congé de soutien familial ». Dès le 1er janvier 2007, il permettra à toutes les personnes exerçant une activité professionnelle de s'absenter pendant une durée de trois mois (renouvelable dans la limite d'un an) pour s'occuper d'un parent dépendant. Ce congé ne pourra pas être refusé par l'employeur (droit acquis après un an d'ancienneté) et l'État prendra en charge les cotisations retraites**.

Outre cette reconnaissance du statut de l'aidant, le gouvernement prévoit la création de 2 500 places d'accueil de jour et 1 100 places d'hébergement temporaire en institution par an pendant cinq ans pour soulager les proches. L'enjeu est de taille : 60% des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont à la charge des familles.

* La Conférence de la famille dresse chaque année, depuis 1996, les grandes lignes de la politique familiale en France. ** Aucune rémunération n'est prévue sauf en cas de conventions collectives favorables.

Du répit pour les familles, des services à la carte…

Le coût de la maladie

Au cours de ces dernières années, différents types de service ont été créés pour permettre des moments de répit aux proches : accueil de jour (service qui se développe le plus rapidement), accueil de nuit, hébergement temporaire, garde itinérante de nuit… Mais faute d'un financement suffisant, ces structures ont du mal à se mettre en place ; l'aide n'est donc pas effective sur tout le territoire.

Dans certains pays (Canada, Belgique), il existe un autre type de service, baptisé « baluchon Alzheimer », qui consiste à faire venir une personne pendant une à deux semaines au domicile du patient pour permettre à l'aidant de prendre un congé, ce qui évite de transférer la personne malade dans un autre lieu (comme c'est le cas avec l'hébergement temporaire).

Les « Cafés Alzheimer »

Depuis leur création aux Pays-Bas en 1995, ces lieux de rencontre – une centaine aujourd'hui – ont gagné récemment d'autres territoires (Belgique, Royaume-Uni, France…). Ils permettent aux proches, malades et professionnels, de partager leurs expériences et de rompre l'isolement.

De nouvelles pratiques de prise en charge ?

Pour améliorer la prise en charge de la personne malade*, notamment à travers une meilleure coordination entre les secteurs médicaux et sociaux, bon nombre de professionnels suggèrent, à l'image de ce qui se fait dans d'autres pays (Royaume-Uni, Pays-Bas), la création d'un interlocuteur unique, le case manager qui, en France, pourrait être une infirmière spécialement formée.

Par le développement de structures d'accueil permettant aux personnes malades de s'exprimer à leur façon, les professionnels les plus novateurs du secteur insistent sur le fait qu'« améliorer le bien-être des personnes malades » ne doit pas se réduire à une simple formule !

Cela passe par une remise à plat complète du métier d'« accompagnant ». Et par un changement radical de point de vue, celle ou celui que l'on considère trop souvent comme un fardeau doit, idéalement, pouvoir devenir un « partenaire » avec qui une relation basée sur l'empathie peut retrouver du sens.

* Le suivi des personnes atteintes d'une maladie de type Alzheimer est très variable en France, d'une consultation par an à une journée d'hospitalisation tous les quinze jours suivant les régions.

Adapter l’environnement aux besoins des personnes malades

Une meilleure prise en charge des personnes atteintes d'une maladie de type Alzheimer passe aussi par des aménagements spécifiques du lieu de vie. Outre la prévention des accidents et des chutes, l'architecture doit favoriser l'autonomie des personnes malades. Par exemple, la déambulation, qui est l'un des troubles comportementaux liés à cette maladie, doit pouvoir s'effectuer sans risque. De plus, la signalétique doit aider les personnes à se repérer dans le temps et dans l'espace. Il est également important, pour le bien-être des personnes malades et afin de stimuler leurs capacités restantes, qu'un certain nombre d'activités, notamment domestiques, puissent être effectuées sans contrainte.

Il existe aujourd'hui différents types de structures adaptées à ces patients « désorientés » : Cantous*, unités de vie, unités de soins Alzheimer. Revers de la médaille : la création d'un lieu à part peut entraîner une ségrégation, voire une mise à l'écart de ces personnes « dérangeantes » pour la société.

* Le premier Cantou (Centre d'activités naturelles tirées d'occupations utiles) a été créé en 1977 : dans ce centre à taille humaine, les personnes continuent à avoir des activités. Mais sa structure est difficilement adaptée au nombre croissant de personnes malades.

Suivre les personnes malades à la trace

Pour prévenir l’errance des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, plusieurs dispositifs basés sur la technologie GPS ( Global Positioning System) ont été mis au point. Ils permettent de repérer par satellite le lieu où se trouve la personne et de déclencher une alarme dès qu’elle sort de la zone habituellement fréquentée. Malgré tout, attention à ne pas se défausser de la surveillance des personnes vulnérables sur les seuls outils technologiques.

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