Environnement, biodiversité, santé : quels impacts ? quels risques ?

Les effets spéciaux des « pesticides OGM »

La biodiversité sous l’œil des scientifiques

Fruits d'une agriculture intensive, les OGM participent à ce titre – tout comme les plantes non OGM utilisées dans ce type d'agriculture – à la disparition de certaines variétés locales au profit de quelques variétés performantes cultivées à grande échelle sur toute la planète. En outre, l'usage de pesticides associé à leurs cultures a des effets sur la faune environnante. Dans le cas des herbicides utilisés avec les OGM, leur plus grande efficacité aboutirait à moins de graines et de mauvaises herbes, ce qui diminuerait d'autant la faune qui s'en nourrit.

La controverse du monarque

Pour ce qui est des OGM produisant leur propre protéine insecticide, une analyse américaine (Marvier et al, Science 316, p1475-1477, 8 juin 2007) compilant les résultats de quarante-deux études en champs, suggère qu'ils font moins de dégâts que le traitement insecticide classique : dans les champs de maïs et de coton Bt, les insectes non ciblés par la toxine sont plus nombreux que dans les champs de culture conventionnelle traités avec un insecticide. Mais tout comme en agriculture conventionnelle intensive, la culture de plantes OGM peut conduire sur le long terme à l'émergence d'insectes ou de mauvaises herbes devenus résistants.

Dissémination inéluctable ?

Le vent l'emportera... !

Toutes les plantes à fleurs, qu'elles soient OGM ou non OGM, émettent du pollen et des graines qu'elles disséminent dans l'environnement. Mais cette dissémination est plus ou moins importante selon les plantes. Ainsi, le colza est potentiellement plus envahissant que le maïs. Il perd un grand nombre de graines après la récolte, qui peuvent de surcroît survivre dans le sol une dizaine d'années et conduire à l'apparition de repousses indésirables. Son pollen se dissémine facilement par l'intermédiaire des abeilles. Enfin, contrairement au maïs, il peut se croiser avec de nombreuses plantes : chou et navette, ses parents ; moutarde, roquette, ravenelle, des plantes apparentées.

Maïs voyageur

Or, des essais menés avec du colza OGM tolérant à un herbicide ont montré qu'il peut transmettre ce caractère génétique à la ravenelle, qui devient alors une sorte de super mauvaise herbe. Pour toutes ces raisons, la culture de colza transgénique n'est pas autorisée en Europe. En revanche, les plantes, comme le soja ou le riz, qui s'autofécondent avec leur propre pollen sont théoriquement à l'abri de ce risque (1). Pour mettre au point une parade à la dissémination des plantes OGM, les chercheurs étudient de nouveaux procédés (2) et les agronomes recommandent certaines pratiques agricoles (voir partie 4).

1. Toutefois, la pression de sélection exercée par l'utilisation en continu d'un seul herbicide – par exemple, le Roundup avec certaines plantes OGM – peut également conduire à l'apparition de mauvaises herbes résistantes. En Argentine, pays cultivateur de soja tolérant au Roundup, 120 000 hectares ont été infestés en 2007 par une mauvaise herbe devenue résistante. 2. Dans le cadre du projet européen Co-Extra, lancé en 2005 pour évaluer la faisabilité de la coexistence des filières OGM et non OGM, plusieurs méthodes sont explorées pour réduire la dissémination des plantes OGM comme l'intégration du gène d'intérêt dans le chloroplaste de la plante et non dans le noyau afin que le pollen ne le contienne plus.

Des ravageurs qui peuvent s’adapter

Premier cas d’insecte résistant

L'un des risques avancés avec l'utilisation de plantes OGM productrices d'insecticide (coton, maïs) est l'apparition de populations d'insectes devenus résistants ; un risque déjà connu des agriculteurs avec l'épandage d'insecticide sur des plantes conventionnelles. Si à ce jour ce phénomène n'a pas encore été mis en évidence avec la culture de maïs OGM en plein champ, on note l'apparition aux États-Unis d'insectes résistant à une toxine sécrétée par du coton OGM.

Outre le fait qu'il y a peu d'insecticides actifs contre les ravageurs du coton ou du maïs, ce phénomène de résistance pose un autre problème. Les toxines sécrétées par les plantes OGM sont produites à partir de gènes issus de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt). Or, les toxines Bt sont les seuls insecticides autorisés en agriculture biologique. Donc ce phénomène de résistance pourrait enlever aux agriculteurs « bio » leur principale arme de lutte contre les insectes. Pour limiter ce risque, les semenciers préconisent la mise en place de « zones refuges » semées en plantes traditionnelles à proximité des champs d'OGM. Objectif : diluer la capacité de résistance à la toxine acquise par certains insectes en les croisant avec des populations d'insectes non résistantes conservées dans ces « zones refuges ».

Quels risques pour la santé des consommateurs ?

Résistance aux antibiotiques : risque non nul

Comme bon nombre d'aliments, un OGM peut provoquer une réaction allergique. Afin de limiter ce risque, l'Organisation mondiale de la santé recommande au préalable que la nouvelle séquence d'ADN introduite dans la plante ne ressemble pas à celle d'une protéine reconnue comme allergène (1). Puis différents tests d'allergénicité sont pratiqués avec l'OGM. Toutefois, il n'existe pas de méthode fiable à 100% pour prévoir le caractère allergène d'un aliment, y compris d'un OGM. Autre risque potentiel : la nouvelle protéine exprimée par l'OGM peut être toxique. Si les tests de toxicité effectués sur des rats de laboratoire permettent de détecter un effet aigu, les experts sont d'accord pour dire qu'ils ne permettent pas d'évaluer des effets sur le long terme. Pour certains, il n'y a pas lieu de s'en inquiéter : les consommateurs américains (hommes et animaux) mangent des OGM depuis vingt ans sans effets apparents sur leur santé. Pour d'autres, certains tests sur des rats de laboratoire révèlent déjà des anomalies qui mériteraient, selon eux, un approfondissement de l'évaluation des risques sanitaires (2).

1. La nouvelle protéine ne sera pas retenue si elle présente une séquence de six à huit acides aminés identique à celle d'une protéine allergène. 2. Des rats mâles ayant mangé du maïs MON863 – qui produit un insecticide – ont des reins souvent plus petits et avec plus d'anomalies que les rats qui n'en ont pas mangé. Des effets incontestables pour les experts chargés de l'évaluation de ce maïs, mais sans signification pathologique. Toutefois cet avis ne fait pas l'unanimité. Fin juin 2007, treize pays européens ont demandé au Conseil de l'Union européenne qu'une nouvelle étude toxicologique soit menée.

OGM = aliment ou pesticide ?

Aliment ou pesticide ?

Soumis à des tests de toxicité et d'allergénicité sur des rats de laboratoire durant 90 jours, les OGM sont, d'un certain point de vue, les aliments les plus contrôlés.

Mais certains experts estiment que des plantes produisant ou tolérant des pesticides devraient être considérées comme des pesticides et donc testées de la même façon, c'est-à-dire avec des expérimentations de toxicologie et de cancérologie sur divers animaux (rongeurs, mammifères…) durant deux ans. Des tests beaucoup plus coûteux : 150 millions d'euros pour évaluer la toxicité d'un pesticide contre 50 millions d'euros pour un OGM. Pour un médicament, le coût est encore plus élevé : 250 millions d'euros.

Au nom du principe de précaution

Expérimentations à ciel ouvert

Le gouvernement français a décidé de suspendre la culture du maïs MON810 de la firme Monsanto, le seul OGM cultivé en France à des fins commerciales. Cette décision s'appuie sur des faits scientifiques nouveaux invoqués dans l'avis rendu le 9 janvier 2008 par le comité d'experts chargé de réévaluer ce maïs : mise en évidence de la dissémination du pollen sur de grandes distances ; apparition d'insectes ravageurs devenus résistants ; toxicité avérée sur certaines espèces animales ; persistance de molécules insecticides dans l'eau et les sédiments. Par ailleurs, le comité pointe le manque d'études toxicologiques sur le long terme et de suivi épidémiologique (1). D'une façon générale, l'avis fait état d'un certain nombre d'interrogations quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques de la culture du MON810. Le gouvernement appelle donc à la suspension de cette culture au nom du principe de précaution (2). Pour la firme Monsanto – qui répond point par point dans un document publié sur son site Internet le 31 janvier – aucun élément figurant dans l'avis ne justifie une telle décision. Le sort du maïs MON810 est désormais entre les mains de la Commission européenne.

En France, toute variété végétale (qu'elle soit OGM ou non) doit être inscrite au catalogue officiel des variétés agricoles pour pouvoir être cultivée. Les études nécessaires à cette inscription sont de la responsabilité du Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CPTS).

1. À ce titre, l'expérience des États-Unis ne peut être exploitée du fait d'un manque de traçabilité des OGM. 2. Inscrit depuis 2004 en France dans la Charte de l'environnement (article 5), le principe de précaution appelle à l'identification des risques, leur évaluation et leur gestion. Le but est de lever ces incertitudes afin de mieux apprécier le rapport bénéfice-risque.

Quand les experts s’en mêlent

Avant d'être cultivée au champ, une plante OGM doit avoir reçu des autorisations. En France, pour des essais à des fins de recherche, ce sont les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement qui donnent leur feu vert, après avis de la Commission du génie biomoléculaire (1) (CGB) sur la base d'un dossier remis par le laboratoire de recherche. Pour les demandes de commercialisation, la CGB ainsi que l'Afssa (2) examinent le dossier transmis par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) – les autorisations (ou non) de mise sur le marché s'effectuant au niveau européen.

<div class="alt"><a target="_blank" title="La controverse OGM vue par sept experts" href="http://www.universcience-vod.fr/media/804/la-controverse-ogm-vue-par-sept-experts.html">La controverse OGM vue par sept experts<br /> <img alt="La controverse OGM vue par sept experts" border="0" src="../../../../../../../../../../video.universcience.tv/1/156d11cb-7329-49e9-a91d-e3e823e07865/thumbnail.png" /></a><br /> <p>Afin de mieux comprendre la bataille autour des <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/ogm.html">OGM</a> et comment ce sujet, &agrave; l'origine tr&egrave;s technique a d&eacute;bord&eacute; du champ scientifique pour occuper le devant de la sc&egrave;ne m&eacute;diatique et polotique, ce film revient sur les &eacute;v&egrave;nements marquants des deux derni&egrave;res d&eacute;cennies.</p> <p>Avec Christophe Bonneuil, historien des sciences ; Bernard Chevassus-au-Louis, g&eacute;n&eacute;ticien ; Olivier Godard, &eacute;conomiste ; Marie-Ang&egrave;le Hermitte, juriste ; Pierre-Ben&ouml;&icirc;t Joly, sociologue ; Antoine Mess&eacute;an, agronome ; Egizio Valceschini, &eacute;conomiste</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> </div>

 

Vers des comités de suivi locaux ?

Ce dossier, élaboré par la firme qui souhaite commercialiser la plante OGM, doit apporter des informations sur la construction génétique, les caractéristiques chimiques de la plante – qui seront comparées aux données de la variété conventionnelle – et une évaluation des risques environnementaux et sanitaires. La décision prise est valable pour tous les pays de l'Union européenne, ce qui ne signifie pas pour autant que l'OGM concerné sera cultivé. Enfin, la mise sur le marché doit s'accompagner d'un plan de surveillance (3). Aussi complète soit-elle, cette procédure d'évaluation, qui repose sur les seules études menées par les industriels, ne fait pas l'unanimité.

1. Dans le cadre de la loi sur les OGM, un Haut Conseil sur les biotechnologies, composé de scientifiques et de membres de la société civile, est appelé à remplacer la CGB. 2. Afssa : Agence française de sécurité sanitaire des aliments. 3. En France, le Comité de biovigilance est chargé de surveiller les cultures OGM. Si des effets indésirables apparaissent, l'autorisation est retirée.

Partager cette page sur :

Commentaires

Réagir à cet article

e-mail : *
Votre email ne sera pas visible
pseudo : *
Commentaire : *
Saisissez ci-dessous le texte suivant : *