Au-delà des OGM, quels modèles de production agricole pour demain ?

Augmenter la production agricole : pas si simple…

La culture de la monoculture

D'ici à 2050, la population devrait augmenter de 40% dans le monde (9 milliards d'habitants) et plus que doubler en Afrique subsaharienne (1,7 milliard) (1). Pour relever ce défi démographique sans précédent et nourrir tous les habitants de la planète, la première piste est d'augmenter les surfaces cultivées. À ce titre, des plantes OGM capables de résister à la sécheresse et à la salinité des sols pourraient être utiles. À condition toutefois que les gènes d'intérêt soient fournis aux paysans des pays du Sud et intégrés dans leurs variétés locales.

La bataille autour des brevets

Pour l'heure, les variétés transgéniques cultivées à grande échelle ont été développées par les pays du Nord et ne sont pas forcément adaptées aux climats et environnements des pays en développement. La deuxième piste est d'augmenter le rendement agricole. La « révolution verte » initiée en Asie a conduit à la diffusion de variétés à haut rendement et à l'utilisation massive d'engrais et de pesticides. Et la transgénèse apporte aujourd'hui, elle aussi, son lot de plantes performantes, même si les petits agriculteurs ne peuvent y accéder (voir ci-contre). Reste que l'augmentation de la production agricole ne peut constituer l'unique réponse au problème de la faim dans le monde.

1. Source : Population Reference Bureau.

Une nouvelle révolution agricole ?

Innovation : les solutions non OGM

Pour faire face à l'augmentation des besoins alimentaires et énergétiques (agrocarburants, fibres isolantes), l'agriculture mondiale est appelée à produire beaucoup plus au cours des prochaines décennies. Or, selon les experts du Millenium Ecosystem Assessment, ce secteur a déjà un impact négatif sur les écosystèmes (1). De plus, selon une étude récente (2), la production d'agrocarburants – en convertissant toujours plus de forêts, savanes, tourbières en terres de culture – entraînerait finalement plus d'émissions de dioxyde de carbone qu'elle n'en réduirait avec l'usage de ces nouveaux carburants. Pour une agriculture durable, des agronomes appellent donc à une « révolution doublement verte » qui prendrait en compte le fonctionnement des écosystèmes pour augmenter le rendement agricole sans ajout massif d'engrais et de pesticides (3). Une approche résolument plus écologique, qui n'exclut pas pour autant les biotechnologies : la transgénèse, comme toute technique d'amélioration des plantes, pourrait s'avérer utile dans la création de plantes utilisant moins d'engrais, moins d'eau ou résistant à certaines maladies.

1. Entre 2001 et 2005, 1 360 experts de 95 pays ont réalisé une évaluation des écosystèmes de la planète dans le cadre du Millenium Ecosystem Assessment. 2. Source : Science, 8 février 2008. 3. Dans cette optique, l'agroforesterie – qui repose sur la capacité des écosystèmes à se régénérer grâce à des associations de cultures et de plantations d'arbres différentes – est actuellement explorée dans certaines régions du monde. Source : Demeter 2008, « La nouvelle modernité : une agriculture productive à haute valeur écologique », Bernard Chevassus-au-Louis et Michel Griffon.

Filières OGM, non OGM, « bio » : un choix de politique agricole

À chaque région, son mode de production ?

La Commission européenne a fixé un cadre selon lequel « chaque agriculteur doit pouvoir conduire librement les cultures de son choix, qu'elles soient transgéniques, conventionnelles ou biologiques ». Mais la coexistence de ces différents modes de production agricole est-elle réellement possible ? Des travaux réalisés au sein du projet européen SIGMEA (1), rendus publics en novembre 2007, apportent des éléments de réponse pour le colza et le maïs. Ainsi la coexistence est-elle très difficile, voire impossible, avec le colza dont le pollen et les graines se disséminent facilement. Seule une coordination des cultures au niveau régional pourrait peut-être permettre de limiter les contaminations.

L’impossible 0% OGM

En revanche, pour le maïs, tant que l'adoption des OGM reste limitée, la coexistence des filières semble possible localement, moyennant certaines mesures – comme des distances d'isolement de quelques dizaines de mètres (2) et des décalages de culture – et à la condition de tolérer des traces d'OGM (moins de 0,9% (3)) dans les autres filières. La coexistence de filières OGM et non OGM pose donc de multiples questions d'ordre scientifique, agronomique, mais aussi juridique : qui est responsable en cas de contamination ? (4) et politique : quel type d'agriculture souhaite-t-on développer pour demain ? En France, 66% des agriculteurs estiment que les cultures OGM ne sont pas nécessaires pour répondre aux besoins de l'agriculture (5).

1. Lancé en 2004 et impliquant douze pays, le projet SIGMEA a conduit notamment au développement de modèles informatiques permettant de tester différents scénarios d'introduction des OGM. 2. Les distances préconisées varient d'un pays à l'autre : 50 mètres en Espagne, 70 m en République tchèque, 200 m au Danemark, 400 m en Hongrie. 3. Au-delà de 0,9% de présence fortuite d'OGM, la réglementation européenne impose de considérer la production comme OGM. 4. En France, la loi prévoit désormais l'indemnisation des agriculteurs « contaminés » mais sans que les semenciers soient mis en cause. 5. D'après un sondage réalisé par Terrena, première coopérative agricole française, publié le 5 mars 2008.

Un soutien inattendu pour le « bio »

Arctique : sauve qui peut les semences !

En mai 2007, un groupe d'experts réunis par l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) publie un rapport qui souligne l'importance de l'agriculture biologique pour la sécurité alimentaire. D'après celui-ci, l'agriculture « bio » peut, comme l'agriculture conventionnelle, produire assez par tête d'habitant pour nourrir la population mondiale. L'organisation encourage donc les États à lui allouer plus de ressources. En 2006, cette forme d'agriculture était pratiquée dans 120 pays, couvrait 31 millions d'hectares (1) et représentait un marché de 40 milliards de dollars (26,4 milliards d'euros). En Europe, l'Autriche arrive en tête avec 11% de ses surfaces agricoles consacrées au « bio », contre 2% en France (2). Sans entrer dans le débat sur les bienfaits supposés des produits « bio » en termes de valeur nutritive, le « bio » est avant tout un mode de production plus respectueux de l'environnement. Excluant l'utilisation d'engrais, de pesticides chimiques et d'OGM, l'agriculture « bio » utilise le recyclage des matières organiques, la rotation des cultures ou encore la lutte biologique (3). Mais elle nécessite aussi plus de main-d'oeuvre et d'expertise en écologie que l'agriculture conventionnelle.

1. En tête, l'Océanie avec 11,8 millions d'hectares de surface cultivée « bio », suivie par l'Europe (6,9), l'Amérique du Sud (5,8) et l'Amérique du Nord (2,2), le reste se situant en Asie et en Afrique. 2. D'après les derniers chiffres publiés par Eurostat en juin 2007. 3. La lutte biologique consiste à utiliser des organismes naturellement présents dans l'environnement pour se débarrasser des mauvaises herbes ou des ravageurs (par exemple, les larves de coccinelles contre les pucerons).

Quelle liberté de choix pour le consommateur ?

Restaurant Le Bon Choix

Depuis la mise sur le marché des OGM au milieu des années 90, tous les sondages d'opinion montrent qu'en France, en Europe, mais aussi aux États-Unis, les consommateurs sont majoritairement défavorables aux OGM dont ils ne voient pas l'utilité. Selon un sondage CSA-Greenpeace publié le 4 février 2008, environ 70% des Français estiment qu'il est important de pouvoir manger des produits totalement dépourvus d'OGM.

Actuellement, la réglementation européenne tolère des traces d'OGM dans les produits sans OGM à hauteur de 0,9% par ingrédient. Le respect de ce seuil implique déjà des pratiques agricoles très strictes et des contrôles tout au long de la filière (champs, camions, silos, usines de transformation…). À cet effet, des échantillons sont envoyés dans des laboratoires spécialisés où diverses techniques de pointe (PCR, puces à ADN, tests immunologiques…) permettent de détecter une quantité infinitésimale d'OGM.

<div class="alt"><a target="_blank" title="Sur la trace des OGM" href="http://www.universcience-vod.fr/media/806/sur-la-trace-des-ogm.html">Sur la trace des OGM<br /> <img alt="Sur la trace des OGM" border="0" src="../../../../../../../../../../video.universcience.tv/1/83e13e37-9edd-43ad-b085-0748e6a2d47d/thumbnail.png" /></a><br /> <p>Afin que l'agriculteur et le <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/consommateur.html">consommateur</a> puissent exercer leur libre choix en mati&egrave;re d' <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/ogm.html">OGM</a> , l'Europe a d&eacute;cid&eacute; de mettre en place deux fili&egrave;res : <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/ogm.html">OGM</a> et non <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/ogm.html">OGM</a> . Ce qui impose de pouvoir suivre les <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/ogm.html">OGM</a> &agrave; la trace, et de v&eacute;rifier qu'ils ne &quot;contaminent&quot; pas la filii&egrave;re non <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/ogm.html">OGM</a> au-del&agrave; du seuil de 0,9% autoris&eacute;. Dans ce reportage, nous suivons pas &agrave; pas toutes les &eacute;tapes de la <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/tracabilite.html">tra&ccedil;abilit&eacute;</a> des <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/ogm.html">OGM</a> en France, depuis le d&eacute;chargement de <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/soja.html">soja</a> en provenance du Br&eacute;sil dans un port fran&ccedil;ais jusqu'&agrave; la <a href="http://www.universcience-vod.fr//index.php/tag/consommation.html">consommation</a> par les animaux et par l'homme, en passant par l'analyse des &eacute;chantillons au laboratoire et l'&eacute;tiquetage.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> </div>

 

Les OGM s’affichent

Reste que ce processus de traçabilité des OGM est long, complexe et coûteux. Sera-t-il tenable sur le long terme ? Qui va en assumer le coût sachant que du point de vue du consommateur, les OGM actuels n'ont pas de valeur ajoutée ? En France la loi votée en mai 2008 doit organiser la coexistence des différentes filières sur la base du seuil qui sera défini par le Haut Conseil sur les biotechnologies.

Partager cette page sur :

Commentaires

Réagir à cet article

e-mail : *
Votre email ne sera pas visible
pseudo : *
Commentaire : *
Saisissez ci-dessous le texte suivant : *