Des embryons, spermatozoïdes et ovocytes hors du «temps naturel»

Faut-il fixer une limite d'âge pour l'AMP ?

Le temps nécessaire à la conception

La loi française indique que seules les personnes «en âge de procréer» peuvent bénéficier d’une assistance médicale à la procréation (AMP). L’homme peut procréer jusqu’à sa mort même si la qualité du sperme diminue avec l’âge. La femme, en revanche, voit ses possibilités de grossesse sérieusement réduites à partir de 40 ans. Le recours à une assistance médicale à la procréation ne change rien : l’AMP a plus de chances de succès chez les femmes jeunes. C’est pourquoi les caisses d’assurance maladie ont décidé de ne plus prendre en charge ces traitements au-delà du 43e anniversaire. Ce qui n’empêche pas certaines femmes plus âgées de faire appel, à leurs frais, à ces techniques. Selon l’Agence de la biomédecine, en 2008, 850 femmes de plus de 43 ans ont ainsi bénéficié d’une fécondation in vitro*. Des cas rares certes, mais qui posent un certain nombre de questions médicales. Les risques de complications sont en effet significativement plus élevés, non seulement pour les mères mais aussi pour leurs bébés (risque d’anomalies chromosomiques ou de mutations génétiques).

* Par fécondation in vitro classique ou par ICSI (Injection Intracytoplasmique de spermatozoïde).

Plus de couples infertiles ?

En France, selon l’Agence de la biomédecine, un couple sur sept est amené à consulter un médecin au moins une fois pour une infertilité supposée et un couple sur dix suit des traitements pour y remédier. Il y a plusieurs raisons à cette situation, en particulier l’âge des femmes. En une trentaine d’années, l’âge de la première grossesse est passé de 24 à 28 ans. Or on sait que la fertilité des femmes décroît avec l’âge. Du côté des hommes, une baisse quantitative et qualitative de la production de spermatozoïdes a été observée dans plusieurs pays développés, ainsi qu’une augmentation de l’incidence du cancer des testicules*. La fréquence des malformations génitales serait également en hausse**.

** « La fertilité est-elle en danger ? », Bernard Jégou, Pierre Jouannet, Alfred Spira, La Découverte/ Inserm, 2009.

 

 

Préserver la fertilité pour l'avenir

Des stocks encombrants

La congélation des gamètes (sperme et, plus récemment, ovocytes) autorise une rupture inédite dans la reproduction humaine : celle du temps. Ce procédé permet en effet de préserver la fertilité pour l’avenir. Une possibilité qui trouve toute son utilité chez les personnes devant subir des traitements médicaux susceptibles d’altérer leur fertilité, comme les chimiothérapies contre le cancer. Depuis quelques années, dans la plupart des pays développés, les enfants malades recevant ce type de traitement peuvent congeler leurs tissus germinaux, dans l’espoir qu’à l’avenir des techniques existeront pour les rendre fonctionnels. Des autogreffes de tissus germinaux ont déjà été réalisées avec succès chez la femme. En France, selon l’Agence de la biomédecine, au 31 décembre 2008, 196 patients (enfants et adolescents, principalement) avaient ainsi fait congeler du tissu testiculaire* et 773 patientes, du tissu ovarien. En dehors de toute pathologie, la cryoconservation des gamètes permet de reculer artificiellement l’horloge biologique, notamment pour les femmes plus sensibles à l’effet de l’âge que les hommes. D’où la multiplication, aux États-Unis, en Italie, au Canada ou en Espagne, de banques d’ovocytes permettant aux femmes qui le désirent de congeler leurs gamètes en attendant de faire un bébé à un âge plus tardif. Le coût ? Entre 10 et 15 000 euros.

* Pour les garçons prépubères qui ne possèdent pas encore de spermatozoïdes, on peut également procéder à un prélèvement du tissu testiculaire en espérant pouvoir un jour reproduire in vitro le processus de la spermatogénèse, ce qui n’a encore jamais été réalisé.

Des embryons en apnée temporelle

Des ovocytes venus du froid

Les embryons conçus au laboratoire par les techniques d’AMP ne sont pas tous transférés dans l’utérus de la future mère. Le plus souvent, deux embryons – sur cinq ou six fécondés – sont transférés afin d’augmenter les chances de grossesse tout en limitant les risques de grossesses multiples. Le reliquat est congelé en vue d’un transfert ultérieur. Depuis la première naissance en 1984, des centaines de milliers d’enfants issus d’embryons congelés sont nés dans le monde, certains après plus de vingt ans de conservation ! En France, il est obligatoire d’utiliser les embryons congelés avant toute nouvelle tentative de fécondation in vitro. Selon l’Agence de la biomédecine, plus de 60% de ces embryons sont conservés en vue d’une éventuelle réutilisation. Dans 15% des cas, ces embryons ne font plus l’objet d’un projet parental : selon les voeux des parents, la moitié d’entre eux sont alors proposés à la recherche, l’autre moitié étant donnée à des couples stériles. Dans plus de 20% des cas, les couples ne se prononcent plus sur la finalité de leurs embryons ou sont en désaccord. La conservation de leurs embryons est généralement arrêtée au bout de cinq ans.

Pas si anodines, les techniques d'AMP ?

Intemporelle, la procréation ?

Les risques encourus par les enfants issus d’une assistance médicale à la procréation (AMP) sont avant tout liés aux grossesses multiples. Ces dernières entraînent plus de complications à l’accouchement et de nourrissons prématurés, avec parfois des répercussions sur le développement de l’enfant. Certains pays, comme la Suède ou la Finlande, privilégient donc le transfert d’un seul embryon dans l’utérus de la mère. Toutefois, les techniques elles-mêmes d’AMP – stimulation ovarienne, insertion d’une micropipette dans l’ovocyte lors des ICSI, absence de sélection naturelle des spermatozoïdes, milieux de culture des embryons… – pourraient engendrer des anomalies. Plusieurs études tendent en effet à montrer que ces manipulations pourraient modifier l’expression de certains gènes*. Il s’agit notamment de problèmes de croissance foetale et post-natale et de malformations chez l’enfant. Plus récemment, une étude portant sur 15 000 enfants en France a révélé un taux de malformations majeures (notamment cardiaques et uro-génitales) significativement plus élevé après une ICSI qu’après une FIV classique (6,6% contre 3%)**. D’autres recherches restent à mener pour confirmer ces résultats et déterminer quelles sont les procédures de l’AMP susceptibles d’avoir de tels effets.

* Sources : C. Gicquel et al, Am. J. Hum. Genet, 2003 ; ER Maher et al, J. Med Genet 2003, MR deBaun et al, Am. J. Hum. Genet, 2003.

** Communication Géraldine Viot, résultats présentés lors du Congrès européen de génétique humaine, le 14 juin 2010, à Göteborg en Suède, en cours de publication.

Procréer au-delà de la mort…

Certains pays, comme l’Espagne, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, autorisent l’assistance médicale à la procréation post mortem, c’est-à-dire l’insémination de sperme ou le transfert d’embryon après le décès du conjoint, dès lors que l’homme y a consenti de son vivant dans un document public ou testamentaire. En France, lors de l’examen en première lecture du projet de loi de bioéthique par les députés, en février 2011, le transfert d’embryon post mortem dans un délai de dix-huit mois après le décès du père (si celui-ci avait donné son accord préalable) avait été autorisé – tout en excluant l’insémination post mortem car elle revenait à débuter une procréation après le décès du conjoint. Mais, lors du vote définitif de la loi en juin 2011, les opposants ont eu gain de cause et toute forme de procréation post mortem reste interdite au moins pour les sept années à venir, c’est-à-dire jusqu’à la prochaine révision de la loi de bioéthique prévue en 2018.

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