Diagnostic préimplantatoire, prénatal... un futur enfant en bonne santé, voire «sur mesure»

Priorité aux embryons indemnes

Délicat prélèvement de cellules

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) permet d’éviter la naissance d’enfants malades sans avoir à passer par une interruption médicale de grossesse. Cette technique consiste à dépister certaines maladies graves et incurables chez des embryons fécondés in vitro afin de ne transférer dans l’utérus de la future mère que les embryons indemnes de la maladie. Pour recourir à un DPI, il faut que la maladie soit identifiée chez l’un des parents ou des ascendants immédiats. Il n’existe aucune liste des pathologies concernées. En France, les trois centres autorisés par l’Agence de la biomédecine (Montpellier, Paris, Strasbourg) jugent au cas par cas. Aujourd’hui, les demandes portent principalement sur des anomalies chromosomiques et des maladies héréditaires gravement invalidantes (mucoviscidose, chorée de Huntington, hémophilie…). Toutefois, de plus en plus de maladies pouvant être dépistées, la question se pose de l’extension du DPI à d’autres pathologies qui ne mettent pas nécessairement en jeu le pronostic vital. Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, des DPI ont déjà été pratiqués pour des prédispositions à de l’arthrose ou à des strabismes. Ce type d’applications démontre, pour certains, le risque de dérives de la technique. Pour la majorité des experts, ces exemples marginaux ne sauraient remettre en cause l’intérêt du DPI qui vise, comme pour le diagnostic prénatal, à éviter les souffrances liées à la naissance d’enfants porteurs de maladies graves et incurables.

Naissance d'un « enfant donneur »

Transmettre volontairement un handicap...

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) offre la possibilité de sélectionner un embryon non seulement indemne d’une maladie héréditaire mais aussi compatible d’un point de vue immunologique avec un aîné atteint d’une maladie grave et incurable. En effet, le cordon ombilical contient des cellules souches capables de se transformer en cellules spécifiques (sang, moelle osseuse, peau…). Par transfusion, il est donc possible de greffer ces cellules chez l’enfant malade, sans crainte de rejet, afin qu’elles remplacent l’organe défaillant. Aux États-Unis, plus de 250 « bébés donneurs » auraient ainsi soigné leur aîné. En Europe, une centaine de naissances auraient eu lieu. En France, le premier «bébé donneur» a vu le jour* début 2011 pour tenter de soigner l’un de ses aînés (une petite fille atteinte de bêta-thalassémie, une maladie grave du sang qui provoque une anémie chronique et invalidante).
Une étude** menée dans deux centres où le DPI se pratique – Bruxelles et Rome – a montré que sur 51 naissances obtenues entre 2001 et 2006, seules 10 ont permis de guérir leur aîné. En général, moins d’un embryon sur cinq peut à la fois être indemne de la maladie et compatible avec un aîné. D’où les épineuses questions éthiques qui entourent cette pratique : que faire des embryons indemnes mais non compatibles ? Et si la greffe échoue et que l’aîné meurt, comment réagira l’enfant né pour le sauver ?

* Cette naissance, qui a eu lieu le 26 janvier 2011, est le fruit de la collaboration des équipes des professeurs René Frydman (hôpital Antoine-Béclère) et Arnold Munnich (hôpital Necker).

** Human Reproduction, 5 décembre 2008.

Une planète trop masculine ?

Le diagnostique préimplantatoire (DPI) dans le monde

Dans certains pays, il est désormais possible d’utiliser la technique du diagnostic préimplantatoire (DPI), sans raison médicale, pour choisir le sexe de son enfant. Une étude portant sur 137 cliniques pratiquant le DPI aux États-Unis a révélé que 42% d’entre elles (soit 57 cliniques) l’ont déjà fait*. Pourtant, d’autres techniques moins chères et moins invasives existent. On sait par exemple séparer les spermatozoïdes portant le chromosome Y (qui engendreront des garçons) de ceux portant le chromosome X (qui donneront des filles). Un prélèvement de sperme, suivi de cette technique, puis d’une insémination artificielle ou d’une fécondation in vitro, permet de satisfaire le désir des parents. Autre possibilité : des tests prédictifs – accessibles via Internet et permettant dès la cinquième semaine de grossesse de connaître le sexe du bébé – laissent la possibilité d’avorter, dans les pays qui l’autorisent, si le sexe ne correspond pas au souhait du couple. En Chine et en Inde, où les garçons, considérés comme soutiens de famille, sont préférés aux filles – qui doivent apporter leur dot au moment du mariage – il naît aujourd’hui plus de 110 garçons (120 dans certaines provinces) pour 100 filles. Ces deux pays regroupant le tiers des naissances mondiales, la crainte d’une démographie instable dans le futur peut sembler légitime.

* S. Baruch et al., Fertility and Sterility, mai 2008.

Le diagnostic prénatal banalisé

Quand les chromosomes parlent

De plus en plus d’examens sont réalisés pour dépister chez le foetus in utero une affection d’une particulière gravité. La surveillance habituelle de la grossesse (échographies, tests sanguins…) en constitue l’étape préliminaire. S’il existe un risque d’anomalie du fait d’antécédents familiaux ou de l’âge de la femme, le diagnostic est alors orienté vers la recherche de cette anomalie. Les progrès de l’imagerie obstétricale ont considérablement amélioré le diagnostic prénatal et, par là même, le pronostic de certaines pathologies. Ainsi, en France, on dépiste désormais près de 70% des anomalies congénitales du bébé, contre 16 % en 1983*. Ces diagnostics ouvrent de nouvelles perspectives : dans de rares cas, opérer le foetus dans le ventre de sa mère ; éviter la naissance d’un enfant souffrant d’un handicap sévère par une interruption volontaire de grossesse (IVG) ; ou au contraire se préparer à l’accueillir. Le nombre d’IVG pour raisons médicales serait passé d’environ 3000 dans les années 1980 (soit 0,4% du total des naissances) à 6 500 en 2008** (soit 0,8% du total des naissances). Il naît donc moins d’enfants porteurs de handicaps aujourd’hui.

* C. de Vigan et al., J Gynecol Obstet Biol Reprod, vol 34, 2005.

** Sources : Institut national d’études démographiques (Ined), Agence de la biomédecine (ABM).

Vers des enfants « améliorés » ?

Opérations à utérus ouvert

En sélectionnant des gamètes ou un embryon, on ouvre la possibilité de choisir les caractéristiques d’un enfant à naître. Mais il est aussi envisageable d’améliorer les aptitudes d’un enfant après sa naissance. Une autre façon, parfois mieux acceptée socialement, de concrétiser cette quête de l’«enfant sur mesure». L’exemple le plus fréquent est celui de l’hormone de croissance. Aux États-Unis, depuis 2003, il est possible de prescrire ce traitement médical pour des enfants dont la taille est inférieure à 1,2% de leur moyenne d’âge, ce qui concerne potentiellement plus de 500 000 enfants dans ce pays*. En Europe, seuls les enfants atteints d’une déficience en hormone de croissance peuvent bénéficier de ce traitement. D’autres médicaments, commercialisés pour d’authentiques troubles pathologiques, peuvent faire l’objet d’un détournement de leur usage premier. Utilisée pour les enfants dits hyperactifs présentant un déficit d’attention associé à de l’impulsivité, la Ritaline est parfois prescrite à des enfants un peu plus agités que la moyenne, la frontière entre état pathologique et comportement jugé excessif étant ténue. Ce médicament est administré à des millions d’enfants aux États-Unis. En France, selon l’Afssaps, 300 000 boîtes (Ritaline et Concerta) ont été vendues en 2009, soit trois fois plus qu’en 2000.

* A National Study of Physician Recommendations to Initiate and Discontinue Growth Hormone for Short Stature ; J. B. Silvers et al, 30 août 2010. Le coût d’une telle thérapie s’élève à plus de 20 000 euros par an et peut durer six ans.

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