Les pistes explorées

Un fonctionnement cellulaire mieux compris

Des astrocytes, principale population de cellules gliales du système nerveux

Contrôler les mécanismes cellulaires consécutifs à une lésion et réactiver la repousse des neurones sont deux pistes privilégiées par la recherche en neurobiologie.
La découverte de cellules souches dans le système nerveux central a infirmé l’idée tenace que les neurones tapissant la moelle épinière et le cerveau disparaissent au fil des ans sans se renouveler. Les cellules souches sont en effet capables de reconstituer les tissus en fabriquant des cellules nerveuses. Mais sans que l’on sache pourquoi, celles présentes dans la moelle épinière restent « en dormance ». Identifier les facteurs susceptibles de les réactiver constitue donc une première piste de recherche. L’autre découverte des dernières années concerne le rôle joué par les cellules gliales dans la cicatrisation. Longtemps considérées comme une matière de remplissage inerte, ces cellules, en réalité fort actives, maternent les neurones, orientent leurs terminaisons et éliminent les cellules mortes. Après une lésion, elles œuvrent à la cicatrisation des tissus et construisent en quelques jours une barrière infranchissable autour de la lésion. Ce faisant, elles interdisent toute repousse neuronale. Identifier les substances capables d’inhiber leur fonctionnement est donc un autre enjeu majeur.

Le lien avec les maladies neurodégénératives

La moelle épinière est formée en son centre d’une substance grise et à sa périphérie d’une substance blanche. La première est constituée par des neurones, la seconde par leurs prolongements : les axones. L’ensemble est environné de cellules gliales qui jouent un rôle de soutien et de protection du tissu nerveux. La mécanique cellulaire de ce milieu est une des plus complexes de l’organisme. Décrypter son fonctionnement est un enjeu fondamental, non seulement pour les lésions de la moelle épinière, mais aussi pour toutes les maladies neurodégénératives : sclérose en plaques, maladie de Parkinson et maladie d’Alzheimer.

Implants, stimulation : vers l’autonomie ?

La stimulation électrique permet à des membres paralysés de se mouvoir à nouveau. Une démarche encore expérimentale mais efficace.
La seule façon de restaurer le mouvement de membres paralysés est, à l’heure actuelle, la stimulation électrique fonctionnelle (SEF). Les fonctions situées sous la lésion de la moelle épinière sont en effet inactivées faute d’influx nerveux. Substituer à cet influx une stimulation électrique artificielle peut réveiller les fonctions endormies. À Montpellier, le projet Demar* expérimente ainsi un implant dont les électrodes sont placées au contact des nerfs et des muscles.
À l’université de Louisville, aux États-Unis, c’est directement le long de la moelle épinière du patient qu’est posé l’implant. Parvenir à des résultats même limités, comme déplacer un pied ou supporter son propre poids debout, exige ensuite des mois d’entraînement de la part du patient et de mises au point du dispositif par les chercheurs. Une autre piste actuellement à l’étude est la création d’interfaces cerveau-machine permettant à des tétraplégiques d’interagir par la pensée avec leur environnement.
Depuis 2011, deux patients suivis à l’université Brown (Rhode Island, États-Unis) réussissent à diriger les mouvements d’un bras robotisé en imaginant simplement le geste qu’ils souhaitent lui voir exécuter. Une première mondiale** dont la mise en œuvre reste délicate : l’élément-clé du dispositif est un implant greffé directement dans le cerveau des deux volontaires.

* Cette « équipe-projet », qui réunit plusieurs organismes (notamment le CNRS, les universités Montpellier-1 et -2 et le centre Propara), s’est spécialisée sur la récupération du mouvement par la stimulation électrique fonctionnelle (SEF).
** Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature en mai 2012.

Rob Summers, le corps électrique

Alors qu’il était paraplégique depuis trois ans, l’étudiant américain Rob Summers est parvenu à récupérer la commande volontaire de certains mouvements du pied, du genou, de la hanche, ainsi que la faculté de se tenir debout (mais pas de marcher). Autant de gestes qu’il est capable de réaliser, au laboratoire, lorsque le stimulateur électrique implanté le long de sa moelle épinière est activé. Cette prouesse, une première mondiale* qui a eu lieu à l’université de Louisville (États-Unis), a nécessité des mois d’entraînement du jeune homme. Mais l’effort s’est révélé fructueux, puisque son état de santé s’est amélioré et qu’il a même retrouvé des sensations perdues, ce qui laisse à penser que des connexions nerveuses se sont consolidées.
* Décrite dans la revue médicale The Lancet en juin 2011.

La pensée en action

Depuis l’attaque cérébrale dont elle a été victime il y a quinze ans, Cathy Hutchinson ne peut plus ni parler, ni bouger volontairement aucun de ses membres. En 2006, elle participe à un essai clinique conduit par l’équipe de John Donoghue, neurologue à l’université Brown (Rhode Island, États-Unis). Un implant est placé à quelques millimètres de profondeur dans le cortex cérébral, une zone qui commande notamment les bras. Lorsque Cathy Hutchinson imagine un mouvement, l’implant capte l’activité électrique des neurones et transmet ce signal à un dispositif informatique capable de l’interpréter. En 2006, elle réussit à déplacer, par la seule pensée, un curseur sur un écran d’ordinateur. En avril 2011, elle parvient à contrôler le mouvement d’un bras robotisé pour une tâche plus complexe : se faire servir à boire. L’homme visible sur cette vidéo n’intervient pas, seule C. Hutchinson est aux commandes. Spécialisée dans les interfaces cerveau-machine, l’équipe de J. Donoghue espère à terme concevoir un dispositif miniature, sans fil, capable de fonctionner 24h/24, qui permettrait aux patients de commander par la pensée les mouvements de leur propre corps.

Un avenir sans fauteuils roulants ?

Les progrès dans l’ergonomie des fauteuils et la domotique des logements ont amélioré la vie quotidienne des handicapés. En attendant mieux...
La fin du fauteuil roulant relève de la science-fiction et rien ne permet d’affirmer que le film sera tourné un jour. Mais le scénario s’esquisse peu à peu : l’homme « réparé » pourrait être « bionique », fruit des progrès de la biologie, de la robotique et de la microélectronique. En attendant, les améliorations apportées à l’environnement matériel des handicapés ont considérablement facilité leur quotidien. Les fauteuils roulants sont devenus maniables, confortables, sûrs, adaptés aux nombreuses formes de handicap. La quarantaine de marques présentes sur le marché offrent une gamme très étendue allant du fauteuil manuel, ultra-léger (8 kg), pliable, jusqu’à la version électrique plus sophistiquée. La conduite automobile est désormais accessible à des personnes à mobilité très réduite, grâce au système « mini-manche » qui réunit, dans un simple joystick, les commandes de direction, accélération et freinage, l’allumage des phares ou des clignotants étant dirigé à la voix. Au domicile, les progrès de la domotique permettent de contrôler à distance, par de menus gestes, l’ouverture des portes ou le fonctionnement des appareils électriques. Cette autonomie, bien sûr, a un coût : environ 25 000 euros pour un fauteuil électrique. Or les aides publiques n’en couvrent pas l’intégralité, loin s’en faut. L’équipement d’une voiture, par exemple, reste à la charge du patient, sauf si elle s’inscrit dans le cadre d’un projet professionnel. Les technologies se sont donc banalisées, mais elles restent, aujourd’hui, onéreuses.

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