Climat : radiographie du cyclone Nargis

Près de 32 000 morts et plus de 30 000 disparus. Le bilan en pertes humaines de Nargis, un cyclone de catégorie 3 né il y a quelques jours dans le golfe du Bengale, ne cesse de s'alourdir. Cette catastrophe climatique était-elle prévisible ? Sa survenue est-elle liée au changement climatique ? Frank Roux, spécialiste des cyclones au laboratoire d'aérologie de Toulouse, donne son analyse de la situation.

Par Viviane Thivent, le 09/05/2008

À l'origine du désastre, une absence de relief

Quelle est la particularité du cyclone Nargis ?

Pourquoi le cyclone Nargis, événement de catégorie 3 sur une échelle qui en contient 5, a-t-il été si dévastateur ? « Parce que ce cyclone est arrivé sur un delta, une terre de très faible altitude, explique Frank Roux. Résultat : quand Nargis a touché la côte birmane, il n'a pas pu perdre de sa force contre du relief et des vents oscillant entre 190 et 240 km/h se sont mis à souffler à l'intérieur du pays ». Cependant, malgré les pertes humaines et dégâts matériels qu'elle a engendrés, la survenue de Nargis n'a rien d'exceptionnelle. Chaque année, entre avril et juin, puis entre septembre et décembre, la Birmanie peut subir jusqu'à une dizaine de cyclones d'intensité variable.

Une catastrophe annoncée

L'événement était-il prévisible ?

« Outre l'absence de relief, la trajectoire de Nargis a été particulière. Au lieu d'entrer dans les terres et de perdre de son intensité, le cyclone a longé les côtes birmanes. De fait, il a continué à être alimenté par les océans ». Une trajectoire étonnante mais qui avait été prévue très précisément, une semaine en avance, par tous les modèles météorologiques. « Sur les forums spécialisés, les météorologues discutaient de Nargis depuis le 29 avril.» D'où cette question : pourquoi aucune sonnette d'alarme n'a été tirée ?

Un système d'alerte absent

La survenue de ce cyclone est-elle liée au changement climatique ?

« Pour plusieurs raisons. D'abord, si la trajectoire a effectivement été prévue par les modèles, l'intensité de Nargis était, elle, inconnue : il était très possible que ce cyclone ne soit en fait qu'une simple tempête tropicale. Ensuite, à ma connaissance, aucune procédure d'alerte n'existe en Birmanie. Comment, alors, faire circuler l'information dans un pays essentiellement composé de paysans et dépourvu d'abris anti-cycloniques » ? Au Bangladesh, pays côtier lui aussi de très faible altitude, la survenue de cyclones majeurs en 1970 (300 000 morts ) et 1991 (138 000 morts) a conduit à la mise en œuvre de plans d'urgence adaptés et à la construction de nombreux refuges anticycloniques.

Viviane Thivent le 09/05/2008