Nobel de médecine 2008 : des découvertes virales récompensées

Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier viennent de recevoir le prix Nobel de médecine pour la découverte, en 1983, du virus du sida. Ils partagent cette récompense avec l'Allemand Harald zur Hausen qui, la même année, a identifié le virus du papillome humain, responsable de la majorité des cancers de l'utérus.

Par Viviane Thivent, le 06/10/2008

Deux Français nobelisés

Françoise Barré-Sinoussi

Une fois n'est pas coutume, voici deux chercheurs dont la renommée a précédé l'obtention du prix Nobel : les découvreurs du virus de l'immunodéficience humaine ou VIH, Françoise Barré-Sinoussi, 61 ans, professeur à l'institut Pasteur et directrice de recherche à l'Inserm, et Luc Montagnier 76 ans, professeur émérite à l'Institut Pasteur, directeur de recherche émérite au CNRS et membre de l'Académie des sciences.

En apprenant sa nobelisation, hier, lors d'une conférence internationale à Abidjan, Luc Montagnier a déclaré vouloir faire mentir ce que l'on dit des prix Nobel et travailler encore davantage après ce prix : « Nous sommes encore au milieu du gué en ce sens que nous n'avons pas encore vaincu totalement le sida ».

Luc Montagnier

C'est en 1981 que l'on relève pour la première fois l'existence d'une maladie d'un genre nouveau que l'on baptise alors « syndrome d'immunodéficience ». De cette maladie on ignore à peu près tout lorsque Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, avec bon nombre de collègues français (comme Jean-Claude Chermann et Willy Rosenbaum) et américains (comme Robert Gallo), commencent à s'intéresser au problème. Comme les personnes atteintes par cette étrange affection présentent des ganglions lymphatiques enflés, ils effectuent des prélèvements dans ces glandes. Ils détectent alors une activité enzymatique particulière, laquelle trahit la présence d'un rétrovirus.

En allant plus avant, ils observent que ces virus sont émis en masse à la mort des cellules hôtes, des cellules de l'immunité appelées lymphocytes. En 1984, ils parviennent à isoler le virus du sida qui infecte aujourd'hui près de 1% de la population mondiale. « Cette découverte a été essentielle à la compréhension actuelle de la biologie de cette maladie et à son traitement antirétroviral », explique le comité Nobel.

L'hérétique devenu Nobel

Harald zur Hausen

Dans les 1970, alors qu'il approche de la quarantaine, Harald zur Hausen est considéré comme un hérétique au sein de sa communauté. Aux antipodes du dogme établi par ses pères et ses confrères, ce chercheur allemand est persuadé qu'un virus, le virus du papillome humain ou VPH, peut être à l'origine du cancer du col de l'utérus. Selon lui, c'est parce que le génome de ce virus s'intégre à celui des cellules de l'utérus que celles-ci se mettent à proliférer.

Pendant dix ans, il passe en revue différents types de VPH, tentant de détecter l'ADN viral dans les cellules cancéreuses. En vain. Et pour cause – il ne le comprend que plus tard –, seule une partie du génome du VPH s'intègre au matériel génétique de la cellule hôte, ce qui complique la détection. En 1983, il découvre enfin au sein de cellules cancéreuses de l'utérus, un nouveau type de papillomavirus, le VPH 16. En 1984, il clone cette souche ainsi que le VPH 18 (deux virus responsables de 70% des cancers de l'utérus). Aujourd'hui, on estime que 99,7% de cancers de l'utérus sont liés aux papilloma virus. Ils seraient présents dans 50 à 80% de la population mondiale, plaçant ces virus au sommet du classement des agents infectieux les plus transmis lors de relations sexuelles.

Viviane Thivent le 06/10/2008