Cet été, sur les marchés, tu as peut-être vu des tomates jaunes, orange, noires, en forme de cœur, ovales ou allongées comme des petits poivrons ? Tu croyais peut-être que toutes les tomates étaient rondes et rouges et ça t’a étonné ! Depuis quelques années, des agriculteurs choisissent de cultiver des variétés anciennes de fruits et légumes, ce qui est une très bonne chose pour nos papilles et pour la biodiversité, mais cela n’est pas toujours simple pour eux…

75% de la diversité des cultures perdue en un siècle

La FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) estime que 75% de la diversité des cultures a été perdue entre 1900 et 2000. Aujourd’hui, le catalogue des espèces cultivables en France contient 6 500 espèces. Dans les années 1960, on en cultivait plus de 50 000.

Pour faire face à cette perte, quelques semenciers vendent des graines adaptées à l’agriculture biologique et ont constitué un stock important de graines ancestrales qui pourront servir dans le futur. Pour conserver ces graines, ils plantent et replantent chaque année la plante et récoltent ses graines. Mais comme ces semences ne sont pas homologuées par les États, ils doivent se battre contre les procès intentés par les géants de l’agroalimentaire.

Certaines associations de défense de la biodiversité mettent en place des projets pour se réapproprier la culture de semences oubliées et faire revivre des espèces tombées dans l’oubli. L’association « Graines de troc » a ainsi proposé aux écoles de planter des pieds de tomates parmi plus de 200 variétés, de les faire pousser en vue de les manger, et surtout de récupérer les graines pour pouvoir les replanter afin que ces variétés continuent à vivre.

L’agriculture, une vieille histoire

Les plantes qui sont dans la nature étaient présentes bien avant l’humanité et pendant des dizaines de milliers d’années, les hommes ont assuré leur subsistance avec la chasse, la pêche et la cueillette.

Les débuts de l’agriculture datent d’il y a environ 10 000 ans au Proche Orient avec la domestication des animaux et la mise en terre des premières semences. Pendant des millénaires, les paysans ont cultivé la terre et fait pousser des espèces en tenant compte du climat et du sol : les espèces étaient choisies pour leur adaptation et leur résistance au terroir. Les engrais étaient naturels et non chimiques, le désherbage manuel, les cultures étaient variées pour ne pas appauvrir le sol.

L’agriculture se modernise vers la fin du 19e siècle avec l’utilisation de machines, d’engrais chimiques, de pesticides pour lutter contre les insectes, et une plus grande sélection des variétés. Ces techniques utilisées sur des surfaces beaucoup plus vastes (on parle d’agriculture intensive) permettent d’augmenter les rendements, c’est-à-dire que sur une même surface de terre, on obtient des  récoltes plus abondantes.

Petite histoire des semences

La sélection des plantes existe depuis les débuts de l’agriculture et a pour but d’améliorer leurs qualités. Elle s’opère soit en choisissant les plantes qui donnent les meilleurs résultats et en réutilisant leurs graines comme semence pour la culture suivante, soit en croisant deux variétés de plantes.

C’est au cours du 18e siècle que les premiers semenciers à l’échelle industrielle se mettent à sélectionner des variétés de plantes plus performantes par hybridation naturelle (par croisement de différentes variétés).

Jusque dans les années 1950, les semenciers français fabriquaient des semences stables qui permettaient aux agriculteurs d’obtenir une plante adaptée au terroir. Une fois cultivée, cette plante donnait des graines  pouvant être réutilisées l’année suivante pour obtenir la même plante.

Aujourd’hui, les agriculteurs français sont contraints de cultiver les plantes enregistrées dans le catalogue officiel tenu par le ministère de l’agriculture. La plupart de ces plantes sont des variétés hybrides F1 qu’il est difficile de replanter l’année suivante, parce que les graines deviennent stériles ou perdent le calibrage obtenu lors de la première génération.

 Ce système freine le développement d’une agriculture biologique

Comme 80% de la production agricole pour l’alimentation humaine est vendue en supermarché, les centrales d’achat qui vendent à ces supermarchés dictent leur loi pour que les produits résistent le plus longtemps possible au transport puis en magasin. Les semenciers réalisent donc des sélections de graines qui répondent à ces attentes : une tomate doit durer le plus longtemps possible entre son lieu de production et son lieu de vente. Si elle ne répond pas à ce critère, elle n’apparait pas au catalogue et n’est pas commercialisée.

Ce système est  nuisible à la biodiversité et à la santé humaine. Outre qu’il entraîne une dépendance des agriculteurs aux semenciers, il cause un appauvrissement des sols par la monoculture et l’utilisation d’engrais chimiques, il porte atteinte aux espèces animales et végétales (notamment les abeilles et insectes pollinisateurs) par l’utilisation de pesticides et d’herbicides, et entraîne une hausse des cancers et maladies dégénératives.

Pour aller vers une agriculture biologique qui ne soit pas cantonnée à de toutes petites parcelles, il faut :

  • autoriser les agriculteurs à replanter une partie de leur récolte pour que les semences se réadaptent au climat local ;
  • revoir ce système de distribution qui oblige les agriculteurs à récolter leurs produits agricoles avant maturité ;
  • permettre des semences libres de droit (c’est-à-dire non déposées par les semenciers) pour qu’elles puissent entrer dans notre alimentation.

Face aux changements climatiques et à la dégradation des sols, l’agriculture biologique privilégie la variété des espèces et leur adaptation aux milieux. Elle reste ainsi un moyen pour assurer les besoins alimentaires à venir.

Et toi, que peux-tu faire ?

Tu peux inciter tes parents à acheter des fruits et légumes sur les marchés, plutôt que dans les grandes surfaces, en étant surtout attentif à leur provenance : il faut préférer les productions locales lorsqu’elles existent car en général, elles n’ont pas été récoltées avant maturité (elles ont donc plus de goût) ; de plus, lorsqu’on achète des oignons qui viennent de Nouvelle-Zélande, on produit beaucoup de gaz à effet de serre lors du transport et on contribue au réchauffement climatique. Et puis, tu peux leur expliquer qu’il vaut mieux manger des fruits et des légumes de saison : manger des pommes l’hiver qui poussent dans nos régions, plutôt que des cerises sans goût qui viennent de lointains pays.

Pour aller plus loin...

Un article du Radis vert, rédigé à partir des sources suivantes :

Libération ; TV5 monde ; Graines de troc ; Agropolis museum ; Wikipédia ; Gnis-pédagogie ; Au jardin