Peter Molyneux - Masterclass jeux vidéo - 22 avril 2014 (02:21:05)
"Masterclass jeux vidéo Peter Molyneux Créateur de jeux vidéo"
Date de la masterclass : 22 avril 2014

Cité des sciences et de l'industrie, Jeux vidéo magazine.com, orange ™ présentent

Olivier Bal, présentateur.
-Je vous souhaite à tous la bienvenue dans cette nouvelle masterclass.
J'en profite pour vous souhaiter la bienvenue de la part des partenaires des masterclass : Orange, Jeux Vidéo Magazine et la Cité des sciences et de l'industrie.
Ce soir, nous avons l'immense plaisir de recevoir une légende du jeu vidéo, Peter Molyneux.
En 28 ans de carrière, Peter n'a eu de cesse de repousser les limites du jeu vidéo.
Il a ainsi donné naissance à un genre à part entière, le "god game", avec l'inoubliable "Populous", puis on a exploré les thématiques, avec des jeux comme "Dungeon Keeper" ou "Black & White".
Il s'est aussi intéressé à la problématique du libre arbitre, aux choix du joueur et à leurs conséquences, à la fragile frontière qui sépare le bien et le mal dans les jeux "Fable".
Aujourd'hui, il revient à ses premiers amours, le "god game", avec le bien nommé "Godus".
Si un seul mot devait résumer la foisonnante carrière de Peter, ce serait le mot "passion".
Une passion exacerbée et parfois un peu excessive, pour le jeu vidéo, et vous avez de la chance, car si Peter est ici ce soir, c'est pour partager cette passion.
C'est parti !
Applaudissez Peter Molyneux, s'il vous plaît !
Hi, Peter.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Bonsoir, Paris.
Je ne parle pas "french".
Olivier Bal, présentateur.
-Peter parle très peu français.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Pardon ?
Olivier Bal, présentateur, puis Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-You don't speak so much french.
-No.
Not so much.
Much to my shame.
Olivier Bal, présentateur.
-Donc, le plus facile, ce soir, pour le bien-être de tous et surtout de Peter, c'est qu'on a une équipe de traduction qui va être en coulisses et qui vous traduira les paroles et les propos de Peter ce soir.
Bienvenue, mon cher Peter.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
-Thank you very much.
-Nous sommes très heureux de vous accueillir ce soir.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-C'est vraiment un grand plaisir d'être ici, et ça fait peur aussi, de voir ma tête énorme sur l'écran.
Olivier Bal, présentateur.
-OK.
On va commencer.
Comme vous le savez, vous connaissez la master class, on a une première partie qui va revenir sur le parcours, la carrière de Peter, et une deuxième partie où vous pourrez échanger avec lui à travers une série de questions.
On va commencer par le commencement, le tout début du début, les premiers pas.
Peter, vous naissez en 1959.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oh, mon Dieu, ça vient d'où, cette photo ?
Alors, là, c'était ma piscine.
Olivier Bal, présentateur.
-Comment se passe votre jeunesse ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Je pense qu'on pourrait dire que j'étais un enfant un peu bizarre.
J'étais nul à l'école, totalement nul, J'étais vraiment dernier dans toutes les classes.
En termes de sport, j'étais le moins sportif, et c'était presque comme si...
En fait, dans mes souvenirs, j'étais un peu perdu dans mes propres pensées.
J'avais l'impression que j'étais créatif, mais il n'y avait pas de sortie pour cette créativité.
Et je pense que la meilleure façon de me décrire serait de dire que j'étais délicieusement bizarre.
Olivier Bal, présentateur.
-Votre mère tenait un magasin de jouets.
C'est le rêve de n'importe quel gamin, ça.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, avoir un magasin de jouets, les gens doivent se dire que c'est comme Willy Wonka ou un truc comme ça, mais non, en fait, c'était épouvantable parce que les cadeaux d'anniversaire, les cadeaux de Noël que j'avais, c'était des jouets qui ne fonctionnaient pas, les jouets que les gens avaient ramenés au magasin.
J'avais un jeu de Monopoly, mais sans les billets.
J'avais des jeux auxquels il manquait des pièces.
En fait, c'était beaucoup moins drôle qu'on ne penserait.
Mais je crois que ça m'a obligé...
Mais c'est peut-être moi aussi, parce que je veux m'adapter à l'histoire, mais je pense que ça m'a fait réfléchir à des choses prédéfinies, comme des jeux, et après, j'ai appliqué mes propres idées.
Olivier Bal, présentateur.
-Premier jeu vidéo, je crois...
Quand on a discuté, vous m'avez dit que le premier jeu vidéo que vous avez eu, c'était "Pong".
C'est ça ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, c'était "Pong".
Et je me souviens du moment où je l'ai vu.
J'étais dans la rue de la ville où j'habitais.
Il y avait un magasin d'électronique, et dans la vitrine, j'ai vu "Pong" et j'ai su...
C'était un moment...
Un moment religieux, presque.
Il me fallait ce "Pong".
Donc, je suis rentré chez moi, et ma grand-mère était en vacances chez nous.
J'ai fouillé dans son sac, j'ai ouvert son porte-monnaie et j'ai volé de l'argent.
Je suis allé au magasin, j'ai acheté "Pong", je l'ai branché à la télé, j'ai joué trois parties, j'ai démonté la machine, parce que je me suis dit : "Attends, mais c'est nul, ce jeu."
Donc, j'ai tout démonté et je n'ai jamais réussi à le remonter.
Mais c'était un moment extraordinaire, pour moi.
Olivier Bal, présentateur.
-Vous devenez rapidement un joueur passionné, et a priori, il y a un jeu qui vous a marqué.
Vous deviez avoir une vingtaine d'années.
C'est un jeu qui s'appelle "Manic Miner".
On va regarder un petit extrait, ça va vous rappeler des souvenirs.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-OK, oui.
"Manic Miner", ouais !
"Manic Miner" Olivier Bal, présentateur.
-Alors, "Manic Miner"...
Pourquoi ce jeu vous a marqué ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Eh bien, premièrement...
Oh, mon Dieu !
Non, mais c'est épouvantable !
Bon, quand on y pense maintenant...
Bon, d'abord, l'apparence est nulle.
Mais ce qui me fascinait, c'était le nombre de contrôleurs.
Quand on parle de contrôleurs, en fait, c'était ça, là, avec un petit bouton sur le côté.
Mais j'ai tout...
J'ai tout explosé parce que c'était tellement frustrant.
Je crois qu'il y avait le niveau 101.
C'était quasi impossible.
Je me souviens, je tapais sur le joystick comme ça, et je me suis dit : "Mais pourquoi quelqu'un ferait un jeu aussi frustrant ?"
Et je me souviens de cet instant.
Alors, être "challengé", c'est super, c'est bien, quand on réussit.
Mais si on est "challengé" et qu'on ne réussit pas, c'est un sentiment épouvantable.
On a l'impression d'être nul, d'être sans intérêt.
Je me souviens de ces moments "Manic Miner", dans un jeu, et là, je fais une petite section d'un jeu actuellement, c'est un peu compliqué, et je me souviens de "Manic Miner", et je me souviens de cette frustration.
Olivier Bal, présentateur.
-Est-ce que vous réalisez rapidement que vous voulez travailler dans le jeu vidéo ?
À cette époque, c'était facile, en Angleterre, de commencer à travailler dans le jeu vidéo ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Il n'y avait pas de jeux vidéo, à l'époque.
On parle du début des années 1980, là.
Et il n'y avait pas d'industrie.
Moi, j'ai fait un voyage extraordinaire.
Je me souviens, je suis allé dans les "city cultural halls" et j'avais une petite table et je vendais des jeux vidéo.
C'est comme ça qu'on vendait des jeux vidéo à l'époque.
C'était au marché, quasiment.
Il n'y avait pas de magasins, pas de masterclass.
Et à l'époque, si vous m'aviez dit : "Cette industrie, maintenant, va aller de là..."
On vend des jeux vidéo sur des tréteaux, et puis, après, ça va devenir une industrie de 40, 50 milliards de dollars, et je vais être sur scène à Paris...
Non, là, c'était, pour moi, totalement incroyable, c'était totalement fou.
Et, à l'époque, je savais que je voulais faire quelque chose dans l'informatique.
Et pour moi, toucher un clavier, c'était un moment divin.
Et quand je me suis rendu compte que je pouvais exprimer ma créativité à travers ce clavier...
Donc, j'ai commencé avec la programmation, mais les jeux, pour moi, c'était un rêve impossible.
Olivier Bal, présentateur.
-Rapidement, vous vous mettez à travailler sur un projet, et étonnamment, à l'époque où les premiers jeux, c'était des "shooters", des trucs très basiques, puis vous travaillez sur "The Entrepreneur".
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, je vais vous poser le décor un petit peu.
J'ai deux obsessions, dans ma vie.
Ma première obsession, c'est concevoir des jeux vidéo, et ma deuxième obsession, c'est gérer des entreprises.
Donc, j'ai écrit un jeu qui s'appelle "The Entrepreneur", qui mélange ces deux aspects de ma vie.
Alors, si, à l'époque, je m'étais rendu compte que j'aurais pu mettre un petit personnage à l'écran et puis on tire dessus, j'aurais vendu des milliers de copies, mais, à la place, j'ai fait une simulation d'affaires, de business, donc, j'ai écrit "The Entrepreneur" et j'ai mis une pub dans un magazine d'informatique.
C'était un des premiers magazines.
Et j'ai appelé la poste locale, parce que j'étais convaincu que tout le monde allait acheter ce jeu.
Donc, j'ai appelé la poste locale et je leur ai dit : "Il faudrait peut-être engager plus de personnel, des gens supplémentaires, car il y aura beaucoup de commandes avec mon premier jeu."
Je me suis rendu compte qu'il faudrait que les commandes tombent le mardi, et j'ai même élargi...
J'ai coupé un trou plus important, plus grand, dans ma porte, pour que tout le courrier puisse passer, et en fin de compte, j'ai vendu deux copies.
Et je suis convaincu que les deux ont été achetées par ma mère.
Mais bon, voilà, vous voyez.
J'ai toujours rêvé en grand.
J'ai toujours rêvé du succès.
Olivier Bal, présentateur.
-Votre carrière débute sur un quiproquo assez hallucinant, avec l'histoire d'une société qui s'appelait Taurus, parce que, à un moment, vous avez un peu abandonné les jeux vidéo et vous avez créé une société d'export de "baked beans".
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui.
Bon, voilà.
Je ne pouvais pas vivre des jeux vidéo parce que je n'avais vendu que deux copies, et ma mère n'était pas capable d'acheter tout ce qu'il fallait pour que je puisse en vivre, donc, j'avais cette petite activité qui s'appelait Taurus.
J'avais monté cette entreprise, et on faisait deux choses étranges : premièrement, on exportait des haricots blancs à la sauce tomate au Moyen-Orient, des "baked beans".
Il y a beaucoup de choses qu'il faut au Moyen-Orient, mais ces haricots blancs, non.
Ils n'en ont absolument pas besoin.
Donc, on gagnait peut-être un cent par boîte de haricots, et dans mon bureau, il y en avait des boîtes entières.
Le bureau était rempli de boîtes.
Et l'autre chose qu'on faisait, c'était que j'avais imaginé une base de données, en fait.
J'écrivais une base de données.
Donc, là, c'était marqué comme en-tête "import-export et batellerie".
Ça fonctionnait depuis 2-3 mois comme ça, et puis, un jour, tout d'un coup, le téléphone sonne, et il y avait cette société qui s'appelait Commodore qui nous appelle.
Ils fabriquaient une machine qui s'appelait l'Amiga.
Ils m'ont dit : "On connaît votre société, on est très impressionnés par ce que vous faites et on aimerait vous inviter à venir nous voir et à voir notre nouvelle machine.
On vous envoie une voiture.
Une voiture arrive, une limousine Mercedes.
Moi, j'avais zéro argent, à l'époque.
J'étais quasiment en faillite.
La voiture nous prend, ils nous invitent à déjeuner, ils nous montrent leur usine.
Ils disent : "Bon, voilà, on vous envoie six Commodore Amiga.
Ça vous suffit ?"
Et ils parlaient de mettre leurs produits...
Et moi, je pensais qu'ils parlaient de la base de données que je n'avais même pas démarrée.
Et puis, vers la fin de la journée, je me suis rendu compte, tout d'un coup, qu'ils avaient appelé la mauvaise société.
Nous, on s'appelait Taurus, T,A,U,R,U,S.
Et il y avait une autre société qui s'appelait Torus, T,O,R,U,S.
Et eux, ils faisaient des solutions de mise en réseau, donc, quelque chose qui serait très utile pour Commodore.
Donc, j'ai eu une crise de conscience à ce moment-là.
"Je leur dis ou pas ?
Est-ce que je leur dis qu'on est spécialistes d'import-export en haricots blancs ou est-ce que je ne dis rien et j'accepte ces ordinateurs ?"
Et évidemment, je n'ai absolument rien dit.
Et donc, il y a ces ordinateurs qui arrivent.
On avait l'Amiga numéro six, donc, le sixième Amiga au monde.
Et ça m'a donné l'excuse de retourner aux jeux.
Olivier Bal, présentateur.
-Donc, avec tous ces ordinateurs, vous décidez de monter Bullfrog et de travailler sur "Populous".
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui.
Alors...
Il y a un petit élément qu'il faut ajouter avant de continuer avec l'histoire.
Avant de faire "Populous", j'avais rencontré...
J'avais un copain, qui s'appelait Andrew Bailey, et c'était un codeur fou.
On discutait, et moi, je faisais semblant de compendre ce qu'il disait, et il parlait des langues d'assemblage et tout ça, et un jour, il m'a dit : "Tiens, tu as des Amiga.
Moi, j'ai un pote...
Enfin, j'ai des copains, ils ont un jeu qui s'appelle 'Druide 2'.
Et ils veulent convertir ça pour Amiga."
J'ai dit : "Ça y est, c'est parfait.
Comme ça, je vais voir comment fonctionnent réellement des jeux vidéo."
Donc, j'ai eu un contrat de 4 000 livres, à l'époque, c'était une fortune, pour convertir le jeu du Commodore 64 à l'Amiga.
En fait, j'ai totalement réécrit le jeu, et j'ai compris comment construire un jeu.
C'est ça qui m'a fait comprendre.
Donc, après, je me suis dit : "Bon, maintenant, je fais quoi ?"
J'avais quelques idées pour un jeu, et c'est là où "Manic Miner" revient...
refait surface.
Je ne voulais pas que ce soit trop difficile, je voulais quelque chose de différent.
Et un jour, j'arrive au bureau, et il y avait un artiste qui s'appelait Glenn Corpes, un artiste très talentueux, et maintenant, il est à ça de moi, quand il travaille, il est à quelques mètres.
Et lui jouait avec des petits blocs verts asymétriques.
Et je lui ai dit : "Donne-moi ces blocs et on va jouer avec", et c'était le début de ce jeu, "Populous".
C'est ça qui a changé ma vie.
Donc, on va peut-être voir ça, non ?
Olivier Bal, présentateur.
-Oui, on va regarder une petite vidéo de "Populous" pour nous rappeler des bons souvenirs.
"Populous - 1989" Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-C'est incroyable, de voir ça maintenant.
À l'époque...
Glenn et moi, on a fait tout ce jeu.
C'était moi et lui, tous les deux.
Et la première chose que nous avons faite, c'est de travailler sur le paysage vert, avec la mer.
Et le problème...
J'étais un mauvais codeur.
Et moi, je programmais en langage C.
C'était impossible, à l'époque.
Si vous étiez un vrai codeur de jeux, là, vous le faisiez dans une langue assembleur.
Mais je ne savais pas comment faire naviguer ces petits personnages dans le paysage.
Bon...
Si j'avais fait un peu attention, quand j'étais à l'école, j'aurais compris qu'il y avait l'idée de coller au mur les personnages.
Ils marchent le long de la côte, en fait, ils suivent les bords.
Mais mon incompétence, en tant que codeur, ça a fait que "Populous" existe, parce que c'était le joueur qui intervenait.
Comme ça, les personnages n'étaient pas bloqués.
C'était ça, la naissance du jeu.
On avait le paysage, on avait les petits bonshommes, on reliait les deux ordinateurs avec un câble RS-232, on jouait l'après-midi, moi, je faisais la programmation la nuit, et puis on rejouait le lendemain.
Donc, on a fait ça, il a fallu peut-être 9 mois pour faire ça.
Et là, je n'avais plus de carte de crédit, j'avais tout épuisé.
Il me restait assez d'argent, peut-être, pour acheter des patates chaudes.
Et puis je mangeais des patates chaudes avec les haricots blancs qu'il me restait.
Donc, on a terminé le jeu et on l'a emmené chez des éditeurs.
Olivier Bal, présentateur.
-Ce qui est intéressant, surtout maintenant qu'on a un peu de recul, c'est de voir que "Populous" a beau être très ambitieux, vous allez avoir beaucoup de mal à trouver un éditeur, et vous avez même été démarcher Lego.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, oui.
Le jeu était quasiment terminé.
On n'avait plus d'argent.
On est allés voir les éditeurs.
Effectivement, on est allés voir Lego.
On était vraiment au plus bas.
J'ai vendu ma voiture.
La banque allait reprendre ma maison.
On était désespérés, il nous fallait absolument un contrat.
On est allés voir tout le monde, et chaque éditeur nous a refusés.
Parce qu'en 1989, il s'agissait des "shooters".
Pas des FPS, hein, mais en 2D.
Et les éditeurs nous disaient : "Bon, d'accord, OK, mais est-ce qu'on peut avoir une petite guerre ?"
Ils ne voyaient pas le but du jeu.
Et c'est quand on est allés voir Electronic Arts...
Ils venaient de s'installer en Europe et ils avaient ouvert leur premier antenne, On est allés les voir.
Ils ont dit : "Bon, d'accord.
Terminez le jeu d'ici un mois, on va l'éditer."
Et ils nous ont donné un contrat.
Comme un idiot, je l'ai signé, parce que j'aurais signé n'importe quel papier à l'époque, et c'était un contrat qui était extrêmement sévère, mais ça nous a donné la possibilité d'avoir des financements pour terminer le jeu.
Donc, on a terminé le jeu.
On a fait les derniers essais.
On avait programmé la sortie pour l'impression et tout.
Et puis un des testeurs de chez Electronic Arts m'appelle et il dit : "En fait, on veut tester tout le jeu", parce qu'il y avait 500 niveaux, en fait, dans "Populous".
"On veut tester le jeu en entier.
Est-ce que tu peux nous donner les codes pour aller au dernier niveau, pour voir la dernière séquence, la séquence de fin de partie ?"
Et là, je me suis rendu compte, 48h avant la sortie du jeu, que je n'avais pas écrit la séquence de fin de partie.
Donc, Glenn et moi avons passé 48h à faire cette séquence de fin de partie, et c'était vraiment la pire séquence de tous les jeux, de tous les temps.
Olivier Bal, présentateur.
-"Populous" va être un succès phénoménal qui va complètement changer la donne pour Bullfrog, mais ça va aussi entraîner une grosse pression parce que, du coup, Electronic Arts vous demande de créer un nouveau jeu au plus vite.
Je crois qu'ils vous laissent quelques mois, à peine, pour le créer.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, alors, en fin de compte, ce qui est arrivé...
"Populous" sort.
Les critiques l'ont adoré.
Mais je ne savais absolument pas si ça allait marcher ou pas.
N'oubliez pas que le jeu d'avant avait vendu deux copies.
Alors, le jeu sort.
Ensuite, j'ai reçu un coup de fil incroyable de quelqu'un qui s'appelle David Gardner, d'Electronic Arts.
Il m'appelle et il me dit : "Alors, ça fait quoi, d'être millionnaire ?"
J'ai dit : "Vous parlez de quoi ?"
Il a dit : "On a envoyé, on a dispatché toutes les copies de 'Populous'.
On va rééditer vos royalties.
Ça va faire de vous un millionnaire."
Il a oublié de dire qu'il faudrait que j'attende 9 mois avant de voir un seul sou.
Et le contrat que j'avais signé était tellement abusif que je devais commencer une suite quasiment immédiatement.
Donc, j'avais toujours faim.
Je n'avais toujours presque plus de maison.
Il m'a fallu une carte Diners Club.
C'était la seule façon de financer ma vie, et j'étais obligé de commencer à travailler sur mon deuxième jeu immédiatement.
Et c'était "Powermonger".
Olivier Bal, présentateur.
-"Powermonger" va être assez compliqué à développer.
Vous avez très peu de temps.
C'est peut-être un des jeux pour lesquels vous êtes le plus critiqué, de tous les jeux que vous avez créés.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, "Powermonger".
Alors...
Il y a deux choses.
Dans la masterclass, les gens qui sont ici, vous allez vous rendre compte que je suis un peu idiot.
Parce que j'avais commencé ce jeu, donc, je faisais la programmation en langage C, donc, là, il n'y avait aucun problème.
Et puis j'ai eu une réunion épouvantable à organiser avec la presse...
C'était avec moi, avec David Braben, qui a fait "Elite", qui fabrique des jeux, Jez San, un autre créateur de jeux, qui a fait "Starglider", et un autre créateur de jeux qui s'appelle Archer MacLean qui a fait "IK+".
On s'est retrouvés au pub.
On parlait, comme ça.
Et puis Jez San dit : "Moi, je programme en assembleur, donc hard-core."
David Braben a dit : "Oui, moi aussi.
Est-ce que tu utilises l'instruction LDA ?"
Jez dit : "Ah non, jamais de la vie."
Archer MacLean : "Moi, j'utilise le langage assembleur aussi."
Et moi, j'étais là, et j'ai dit : "Moi, j'utilise la langage C."
Et ils ont rigolé, ils se sont moqués de moi.
"Mais tu ne peux pas faire ça, Il faut utiliser l'assembleur."
Donc, le soir même, j'avais cinq pintes de bière dans le ventre, et j'ai effacé tout le code C de ce jeu, "Powermonger", sur lequel je travaillais depuis 6 semaines.
J'ai pris un livre et j'ai commencé à faire la programmation en assembleur.
Et c'était la chose la plus ridicule et idiote que je puisse faire.
Donc, en fait, j'avais 9 mois pour faire le jeu, à l'origine, mais là, il ne me restait que 3 mois.
Alors, l'idée, c'était que, si on avait fait comme il fallait, si je n'avais pas été aussi idiot et si je n'avais pas jeté la moitié du code, "Powermonger" aurait pu être le premier jeu RTS.
Il y avait ces petites armées.
On pouvait construire des armées, constituer des armées, on pouvait les envoyer à droite et à gauche.
Elles pouvaient attaquer d'autres armées pendant des batailles, tout ça avec la souris, tout ça dans un paysage 3D.
Mais j'ai appris une leçon radicale de design.
La leçon, c'était : il ne faut pas que la réalité interfère avec la jouabilité.
Très souvent, on travaille sur une idée, et il y a quelqu'un dans l'équipe qui va dire : "Mais c'est pas ça, le monde réel."
Par exemple : "On ne peut pas construire une maison si rapidement" ou "On ne peut pas tirer comme ça".
Et nous, en tant que créateurs, on doit dire : "On s'en fout."
Ce qui compte, c'est : est-ce que ça marche avec le jeu ?
Est-ce que ça fonctionne dans le jeu ?
Est-ce que ça fait partie intégrante du jeu ?
Et c'était ça, "Powermonger".
Donc, j'avais le jeu.
On pouvait commander les troupes.
On cliquait sur le paysage, et les troupes se déplaçaient, comme dans un jeu RTS.
Mais quelqu'un, dans l'équipe, a dit : "Mais c'est ridicule.
Comment reçoivent-ils les ordres, les gens, là, sur le terrain ?"
J'ai dit : "Oui, c'est vrai.
Ce n'est pas du tout réaliste.
Ce que je vais faire, c'est que je vais inventer le mécanisme du pigeon voyageur."
Et c'était l'idée la plus stupide de tous les temps.
Donc, on clique avec la souris.
Plutôt que d'envoyer les troupes immédiatement, il y avait ce petit pigeon voyageur qui venait, qui emmenait les commandes aux troupes, et après, les troupes bougeaient.
Et donc, le jeu est devenu totalement cassé.
Mais on pouvait tirer sur le pigeon.
Donc, c'était un jeu...
Si j'avais passé plus de temps, 6 mois de plus sur le jeu, comme toujours, c'est toujours pareil, si je ne m'étais pas laissé influencer par la réalité, à ce moment-là, ça aurait pu être un jeu génial, mais ce fut une opportunité gâchée.
Olivier Bal, présentateur.
-Les premiers jeux de Bullfrog vont être des succès.
"Powermonger", malgré tout, va en être un.
On va parler ensuite de l'âge d'or de Bullfrog, mais avant ça, je voudrais qu'on revienne un peu sur l'ambiance à part de Bullfrog, car c'était une drôle d'ambiance.
Et justement, j'ai quelqu'un qui voudrait vous poser une question surprise.
Quelqu'un que vous connaissez qui va vous poser une petite question en vidéo.
"Surprise" Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Donc, là, c'est notre première surprise ?
Je n'avais pas compris.
Mark Healey, cofondateur de Media Molecule.
-Salut, Peter.
Tu te rappelles de moi ?
Moi...
Il y a une question que je veux te poser depuis vraiment très longtemps.
J'ai travaillé à Bullfrog avec toi.
À cette époque, tu faisais souvent de super soirées, chez toi, dans un petit village.
Et il y avait un truc en commun à toutes ces soirées.
Tu faisais toujours deux gros bols de chili.
Un des deux bols de chili avait un ingrédient spécial, tandis que l'autre n'en avait pas.
Je n'ai jamais réussi à savoir ce qu'était cet ingrédient.
Tout ce que je sais, c'est que ceux qui mangeaient du chili avec l'ingrédient spécial passaient une meilleure soirée que les autres.
Et il ne s'agissait pas de viande ni d'ingrédients végétariens.
Alors, c'était quoi ?
Tu peux me le dire ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Alors, Mark Healey...
J'ai travaillé avec plusieurs personnes brillantes, mais lui, il doit être l'un des plus brillants, l'une des personnes les plus remarquables que j'aie jamais rencontrées.
Il a fondé Media Molecule, il était responsable de plein de choses.
Il sait ce qu'il y avait dans le deuxième bol.
Il sait parfaitement ce qu'il y avait.
En fait, on adorait faire des fêtes pour Bullfrog.
Et donc, je râpais...
Je ne sais pas si je devrais le dire.
Non.
C'était un ingrédient spécial pour faire rire, pour rendre heureux, donc, je râpais ça dans le bol.
Alors, je vous raconte l'histoire.
Je ne citerai pas de noms.
La première fois, c'était dans une petite maison que j'avais.
J'ai fait le chili et j'avais râpé tout le truc, l'ingrédient spécial, et puis la pire des choses à faire, en Angleterre, une des choses les plus impolies, c'est d'arriver à l'heure.
Personne n'arrive à l'heure.
Les gens arrivent toujours en retard, mais il y avait le responsable de notre éditeur de l'époque qui est arrivé à l'heure, le grand patron.
Il est arrivé, il rentre et il dit : "Ah, du chili !"
Et il a pris une cuillérée énorme du "chili spécial", avec le truc râpé, et ce n'était pas mélangé, et ce pauvre type...
C'était un vrai homme d'affaires.
C'était...
Il était totalement explosé, le pauvre.
Et il s'est retrouvé au fond de mon jardin, dans du papier alu.
C'était le patron d'une société cotée en Bourse, totalement...
Enfin, voilà.
Donc, Mark sait exactement ce qui se trouvait dans...
Olivier Bal, présentateur.
-J'ai eu l'occasion de rencontrer Alex Evans, de Media Molecule, il y a quelques années.
Mark Healey, qu'on a vu, Kareem Ettouney et Alex Evans ont longtemps travaillé chez Lionhead, et c'est sous l'impulsion de Peter qu'ils ont créé Media Molecule, donc, je trouve ça assez sympa de sa part.
A priori, c'est ce que m'avait dit Alex Evans, à l'époque, c'est vous qui leur aviez dit : "Les gars, maintenant, prenez votre jeu, 'Rag Doll Kung Fu', sur lequel ils travaillaient, et montez votre propre studio."
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
-The translation...
-Is not working ?
OK, great.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
-Maybe it is now.
That's it.
-It's working ?
I was saying that at the time I met Alex Evans, he told me that it was maybe your idea to tell Kareem, Mark and Alex to leave Lionhead to create their own studio, Media Molecule.
He told me that a few years back.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui.
Alors...
Il y avait trois personnes, quatre personnes.
Il y avait Dave Smith aussi.
Et c'était des gens d'une créativité incroyable.
Et je me suis dit qu'ils avaient besoin de fonder leur propre société.
Et parfois, on voit des gens, on travaille avec des gens, on veut les garder ensemble.
On veut les retenir, en quelque sorte, mais il ne faut pas.
Voilà un exemple parfait.
Par exemple, il y a un codeur remarquable à 22Cans, qui s'appelle Becky.
Elle est merveilleuse, charmante, brillante, intelligente, tout !
Elle est chez nous depuis un an, mais il faut qu'elle retourne à la fac.
Alors, chaque fibre de mon âme veut la faire rester, mais je sais qu'il faut qu'elle retourne.
Quand elle a dit qu'elle allait peut-être rester ici...
"Non, tu dois retourner à la fac", même si je voulais la garder.
Et c'était pareil avec Mark, Alex et Kareem.
Je voulais les garder.
Je voulais continuer à travailler avec eux, mais je voyais qu'il leur fallait leur propre société.
Donc, c'était la meilleure chose à faire.
Et ils ont fait un travail remarquable.
Olivier Bal, présentateur.
-On va parler de l'âge d'or de Bullfrog, avec une série de jeux fantastiques qui se sont enchaînés durant toutes ces années chez Bullfrog.
On va commencer avec "Syndicate", en 1993.
On va regarder une petite vidéo de "gameplay" pour se mettre dans l'ambiance.
"L'âge d'or de Bullfrog" "Syndicate" OK.
"Syndicate" est un des jeux qui m'ont le plus marqué de ma vie.
Enfin, tout le monde s'en fout.
"Syndicate" est un jeu clairement plus sombre et adulte que toutes les autres productions de Bullfrog jusqu'alors.
Pourquoi cette envie de changement ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Il faut se rappeler que "Syndicate" est sorti avant que l'industrie devienne politiquement correcte.
Et dans le bureau, on jouait avec des "BB guns".
Et on avait des testeurs qui venaient chez nous et on jouait à "Space Invaders" sur les testeurs avec ces pistolets, en fait.
Donc, on mettait ces gamins comme ça, et on prenait ces "BB guns" et on tirait, comme ça, tout simplement.
Et c'était ça, notre inspiration, je pense, de faire quelque chose de plus violent.
C'est épouvantable, mais maintenant, ce serait totalement impossible.
Mais il y a un des gamins qui a failli perdre un œil !
Parce qu'il n'y avait aucune protection ni rien.
On a commencé à faire ça, et le rêve, c'était de vous donner cette impression de pouvoir.
Comme si vous aviez vraiment ces fusils.
Donc, vous avez la liberté de vous promener dans une ville.
Et on vous a donné cette possibilité.
Et c'était développé un peu comme "Populous".
On a fait le jeu, on a joué...
On jouait l'après-midi, on faisait les réglages le soir, les modifications le soir.
Je travaillais à l'époque avec le codeur principal, c'était Sean Cooper.
C'était un type qu'on a trouvé...
Qui est venu chez nous comme stagiaire.
Il était hyper rapide.
Mais nous, on faisait le jeu, on jouait, on modifiait, etc.
Ça voulait dire qu'on pouvait le raffiner.
Cette façon de travailler, j'adore.
Olivier Bal, présentateur.
-"Syndicate" est un jeu qui a vraiment marqué les mémoires.
Comment expliquez-vous que "Syndicate" ait autant marqué les joueurs ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Alors...
J'adorerais revenir à "Syndicate".
J'adorerais.
Maintenant, c'est très vieillot.
L'animation des personnages et tout ça, c'est dépassé.
Mais ça donnait une liberté.
On pouvait contrôler un petit groupe de personnes.
On avait la possibilité d'explorer la ville, de se déplacer, et j'adore ces petits mécanismes, de changer de niveau, ça marchait extrêmement bien.
J'adore le fait de pouvoir combiner le "god game" et le "shoot them up".
Parce que là, on peut prendre du recul, on peut mettre des choses en place.
C'était très différent, à l'époque.
Maintenant, quand on le regarde, non, mais à l'époque, il n'y avait rien comme "Syndicate".
Olivier Bal, présentateur.
-On va maintenant parler d'un autre jeu marquant chez Bullfrog, c'est "Magic Carpet", qui sort en 1994.
On va regarder une vidéo de "gameplay".
Attention, ça pique un peu !
"Magic Carpet", l'un des premiers jeux FPS.
Il faut resituer le truc, c'est un an après "Doom".
Un jeu en "first-person", en monde ouvert...
Quasiment ouvert.
Pourquoi cette envie de changer de perspective ?
C'est votre premier jeu vraiment en 3D.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Là encore, c'était une décision épouvantable de ma part.
On avait la technologie, on avait la capacité de vous mettre en POV, en 3D, avec un fusil.
J'aurais fait ça tout simplement, là, un succès fou !
Mais à la place de ça, je ne sais pas pour quelle raison inspirée par la drogue, là, je vous met sur un tapis magique, vous flottez.
À l'époque, c'était génial.
Dans ma tête.
C'était, je pense...
J'ai toujours voulu voler.
J'ai toujours eu envie d'avoir cette sensation de voler.
C'est ce qu'on a essayé de faire avec "Magic Carpet", vous donner cette impression de voler.
Mais ce qu'on aurait dû faire, c'est : on vous donne une AK-47 et puis voilà, Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
vous allez exploser tout ce qui bouge.
-Quels étaient les défis de "designer" un jeu en 3D, à cette époque ?
Qu'est-ce qui a été le plus compliqué de concevoir cet univers en 3D ?
Ça a dû être terrible, en termes de design.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui.
Il faut vous rappeler qu'en 1994, il n'y avait pas de livres.
Tout ce que vous voyez là, c'était inventé par nous.
Glenn Corpes, qui avait fait le graphisme, là, il est passé à la programmation, il a fait beaucoup de choses pour les moteurs.
Sean Cooper, qui avait fait le "gameplay" de "Syndicate", lui, a aidé avec le "gameplay" ici.
Donc, tout ce qu'on a fait, c'était totalement inventé à partir de zéro.
Il n'y avait aucune référence.
"Magic Carpet", le fonctionnement, c'était comme dans "Populous", bizarrement.
La navigation des personnages, etc.
Notre façon de déployer la carte, si vous voulez, le paysage.
Plutôt que de le mettre dans un monde isométrique, on l'a mis dans un monde en 3D.
Mais il ne faut pas oublier non plus que "Magic Carpet" pouvait supporter jusqu'à 8 personnes simultanément.
Et c'est quelque chose qu'on a fait aussi...
On a créé le jeu, on faisait le moteur, etc.
On jouait, on raffinait la nuit et puis on rejouait le matin.
Mais c'est un autre jeu où, là encore, si on avait fait quelque chose...
Je ne sais pas, on prend un fusil plutôt que des boules de feu ridicules...
Ça aurait pu marcher du feu de Dieu.
Ça a bien marché, mais ça aurait pu mieux marcher.
Olivier Bal, présentateur.
-À cette époque, chez Bullfrog, vous aimez défricher un peu.
Un autre jeu arrive ensuite, c'est "Theme Park", en 1994.
J'espère que l'idée de base de "Theme Park" n'inclut pas des testeurs ou...
Vous avez fait quoi, pour avoir l'idée de "Theme Park", cette fois-ci ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-"Theme Park",c'était intéressant parce que ça vient...
C'était après "Syndicate" et "Magic Carpet".
C'était la suite, en quelque sorte.
Donc, j'ai un rêve, je veux que tout le monde joue aux jeux vidéo.
Je ne veux pas qu'ils regardent la télé ou qu'ils aillent au cinéma, je veux que les gens jouent aux jeux vidéo, tout simplement.
Et je me suis rendu compte que "Populous", c'est bien, que "Syndicate", c'était violent...
"Magic Carpet" était violent aussi.
Mais...
Là, on commençait à créer un marché de base, de "gamers".
En 1994, on commençait à utiliser le mot "gamer" d'ailleurs.
C'était vraiment au moment où on commençait à sortir les PlayStation, et les gens commençaient à se rendre compte avec le marketing de Sony, que jouer, ce n'était pas politique.
Pas uniquement.
Donc, j'avais cette idée folle, je me suis dit : "Pourquoi ne pas faire un jeu pour des gens autres que des"gamers" ?
À chaque fois qu'on a une idée, la première idée, c'est : "Qu'est-ce que j'aime faire, moi ?"
Et j'adore aller dans les parcs à thèmes.
Et j'avais cette idée très simple : "Ce serait cool, ce serait bien d'avoir un jeu où on peut créer son propre parc à thèmes."
Donc, avec un des stagiaires, à l'époque, on a commencé à faire des codes pour "Theme Park".
À Bullfrog, à l'époque, tout le monde a dit : "On ne veut pas faire un jeu de parc à thèmes ridicule, stupide.
On veut dégommer des gamins dans les poussettes."
On a dit : "Non."
"On va réfléchir", j'ai dit.
On va faire un peu de code et on va voir.
On l'a fait et "Theme Park" est sorti.
Ce qui est étrange : "Theme Park" a vendu 15 millions de copies, je pense.
C'est hallucinant, comme succès.
C'était énorme, en Asie.
Et donc, même si ce n'était pas un jeu pour des "gamers", c'était un jeu à thèmes et c'était conçu pour intégrer, dans le marché du jeu, des gens qui ne jouaient pas habituellement.
Olivier Bal, présentateur.
-On va parler de "Dungeon Keeper", qui est un jeu, je crois, qui vous tient particulièrement à cœur.
On va regarder une petite vidéo de "gameplay".
"Dungeon Keeper" "Dungeon Keeper", encore une fois un projet novateur, ambitieux, surprenant, à la lisière des chemins.
Comment vous arrivez avec cette idée, "Dungeon Keeper", d'avoir un jeu de stratégies du côté du méchant, on peut passer en première personne, enfin, tout cet amas d'idées dans un seul jeu ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Le début de "Dungeon Keeper"...
C'est venu avec les films de James Bond.
Je voulais que le méchant gagne, dans les films de James Bond.
Il y a ce pauvre méchant...
Il dépense tout cet argent sur des volcans, des bases et tout ça, et James Bond arrive, tire une balle, et tout saute.
Ce n'est pas juste.
Et les méchants, en fait, ils ont un travail difficile.
C'est compliqué, d'être méchant.
C'est ça qui a fait germer cette idée dans ma tête.
C'était : "Supposons, imaginons une prison, et plutôt que de mettre le héros qui va pour trouver le trésor, là, vous êtes le méchant et vous empêchez les gentils d'entrer.
Et c'était là où il y a cette vie de coïncidences, en quelque sorte, parce que le codeur principal, les deux principaux, en fait, c'était des frères.
C'était Simon et Dean Carter.
Moi, je n'ai pas fait beaucoup de programmation pour "Dungeon Keeper".
Ils étaient à côté de moi.
Et c'est là que j'ai appris que c'était eux qui avaient fait le jeu "Druid II" qui m'a fait rentrer dans l'industrie.
Ils m'ont dit ça un jour.
Et à l'époque, Electronic Arts nous avait achetés.
Et Electronic Arts...
Ils viennent un jour, on travaillait sur "Dungeon Keeper".
On faisait comme on faisait pour "Populous" "Syndicate", "Magic Carpet", on programmait, on jouait, on raffinait, on programmait, on jouait, on raffinait, etc.
On était aux deux tiers du développement, et Electronic Arts, qui était propriétaire de Bullfrog, arrive.
Ils disent : "On est désolés, mais il faut terminer 'Dungeon Keeper' en six semaines."
Et c'était impossible de le faire en 6 mois.
Mais bon, à cause de ça et d'autres choses, j'ai décidé de quitter Bullfrog, qui appartenait à Electronic Arts.
Je suis allé pour donner ma démission et j'ai dit : "Avant de partir, je veux terminer 'Dungeon Keeper'."
Alors, ils ont dit : "Il vaut mieux partir immédiatement, parce que ça va être trop traumatisant pour les gens, si tu restes."
Donc, j'avais ce besoin énorme de terminer "Dungeon Keeper".
J'ai dit : "Je prends l'équipe que nous avons, cette petite équipe, je les emmène chez moi, on va le terminer chez moi, dans ma maison, carrément.
On va travailler comme on fait d'habitude.
Là, rien à payer, à part leur salaire, et on va terminer le jeu."
Et c'est ce qu'on a fait.
Et c'était un moment très important pour moi.
Parce que comme ça, je pouvais réfléchir à des personnages autrement, sous un autre angle, sous une autre lumière.
C'est la première fois que j'avais, quelque chose dans le jeu que j'ai regretté, c'est le point de vue première personne, mais c'est un jeu qu'on a adoré faire.
Parce qu'on a adoré y jouer.
Olivier Bal, présentateur.
-Au moment où vous décidez de quitter Bullfrog, vous quittez aussi Electronic Arts, alors que vous êtes vice-président d'Electronic Arts.
C'est quelque chose qui vous décrit pas mal, on en reparlera, mais vous aimez prendre des risques.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Ce ne sont pas des risques.
J'ai l'impression, tout simplement, qu'on m'a donné un don incroyable.
Un cadeau, presque.
C'est la capacité de faire un jeu vidéo.
Je me fous d'être vice-président d'une grande boîte.
Quand on compare ça...
Là, je pouvais aller aux États-Unis, par exemple, dans des réunions hyper importantes, mais en fait, c'est rien à côté de la merveille d'avoir une idée et d'inspirer une équipe et puis ensuite, de jouer, de la voir concrétisée.
C'est incroyable.
Faire ça avec sa vie, c'est hallucinant.
Je suis allé à Electronic Arts et je me suis rendu compte que je passais plus de temps dans les avions, dans les réunions qui n'avaient aucun sens, et j'avais toutes ces idées qui foisonnaient dans ma tête.
Je me suis dit : "Merde, pourquoi passer des semaines entières dans un avion, aller partout dans le monde, alors que je pourrais être en train de fabriquer un jeu ?"
Donc, j'ai démissionné sur un coup de tête, comme ça, presque, et j'ai fondé une autre société.
C'est Lionhead.
J'ai un point de vue différent sur le risque, maintenant, mais à l'époque, j'étais trentenaire...
J'avais 35 ans, je n'avais ni femme ni enfant...
Le pire, c'est quoi ?
Et je dirais ça à n'importe qui, d'ailleurs.
Si vous trouvez qu'il y a un moment dans votre vie où prendre un risque, et que la pire des choses, c'est que ça ne marche pas...
Ça n'a pas un impact énorme.
Prenez le risque !
Vous n'avez qu'une vie.
Et si vous avez une idée, si vous êtes passionné de quelque chose, alors, à ce moment-là, le pire qui puisse arriver, c'est que dans 20 ans, vous vous disiez : "Si seulement j'avais pris ce risque !"
Ça, c'est pire, à mon avis, que de risquer l'argent que vous avez dans votre compte.
Ou dans votre banque.
Ou de risquer, je ne sais pas, ce que les gens pensent de vous.
Prenez le risque, moi, je dis.
Alors, ça, ça change quand vous avez une famille.
Si vous avez une famille, si vous avez des enfants, à ce moment-là, votre vie vous appartient moins.
Olivier Bal, présentateur.
-Donc, la leçon des remords plutôt que des regrets.
On va parler de Lionhead, maintenant.
En 1997...
À cette époque, Lionhead, le début, vous êtes carrément chez vous, dans votre maison, pour créer le début de "Black & White", car vous n'aviez pas de studio.
Vous n'aviez pas de locaux, au départ.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
-No translation.
-Ah !
I was saying that at the beginning of Lionhead, you were staying at your own house because you didn't have any office.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-On était chez moi, et c'était le même endroit que celui où on avait fait "Dungeon Keeper".
J'ai terminé "Dungeon Keeper".
J'ai terminé le vendredi et j'ai lancé la nouvelle sociétéle lundi.
On était là, on travaillait...
Je vais vous raconter quelques anecdotes assez drôles.
À l'époque, les gens dans l'industrie me connaissaient, parce que j'avais été vice-président d'Electronic Arts.
J'avais accès à des gens d'un certain niveau.
Donc, quand on a lancé la société, il y avait beaucoup de gens qui sont venus voir.
On n'était que cinq, au début.
Mais une fois, on a eu une réunion avec le patron de Sega.
Le patron de Sega est venu du Japon.
Il est venu nous voir et on était dans ma salle à manger.
Et il parlait de faire des contenus exclusifs pour Dreamcast.
On parlait, on parlait...
Son anglais n'était pas terrible.
Et puis tout d'un coup, il a eu une expression bizarre sur son visage.
Et il a commencé à transpirer.
Je me suis dit : "Qu'est-ce qui se passe ?"
Il se tenait très droit.
J'ai regardé sous la table, et il y avait le caniche de la femme de ménage qui se frottait contre sa jambe.
Et le caniche, en fait, a terminé ce qu'il avait à faire.
Et donc, quand vous avez le patron d'une société multinationale avec de l'ADN de chien sur sa jambe et que vous êtes en train de négocier, c'est très compliqué.
Là, je me suis dit : "Il nous faut un vrai bureau".
Donc, on est allés dans un petit bureau dans le centre de recherches, à Guilford.
Olivier Bal, présentateur.
-Il y a une autre anecdote amusante, c'est l'origine du nom "Lionhead".
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, effectivement.
Quelque chose qui est très compliqué à faire, bizarrement, quand on fonde une société, c'est de trouver un nom pour la société.
Et on avait ce genre de choses : "Redeye"...
On avait...
"Electronics Boutique", tout plein de noms.
On a décidé qu'on allait appeler la société "Redeye".
Il y avait un journaliste de "Edge Magazine" qui venait nous voir, l'après-midi même, en fait.
Et les avocats nous ont dit qu'on ne pouvait pas car plein d'autres sociétés avaient ce nom.
On a dit : "On va l'appeler comment, la boîte ?"
Et Mark, qui était un des associés, a dit : "On va lui donner le nom...
On va donner à la société le nom de mon hamster", et le hamster s'appelait "Lionhead".
Donc, le journaliste arrive et pose la question : "Comment s'appelle la société ?"
"Lionhead."
"Pourquoi Lionhead ?"
"C'est le hamster."
Donc, on est allés voir le hamster, on l'a amené dans le bureau, et il était mort.
Donc, ça vient d'un hamster mort.
Olivier Bal, présentateur.
-Finalement, ça vous a plutôt porté chance, parce que votre premier jeu, ça va être "Black & White", qui va mettre beaucoup de temps à être développé.
On va regarder le "trailer".
C'est la séquence d'ouverture du jeu.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
-Voilà, 2001.
-2001, "Black & White", avec un "trailer" un peu "new age".
"Black & White", encore une fois, c'est un concept hyper complexe qui emprunte à pas mal de vos anciens jeux.
Comment vous allez faire pour vendre ce concept à une société ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Je n'étais pas obligé de le vendre à un éditeur, parce qu'une partie de l'accord que j'avais quand je suis parti d'Electronic Arts...
On était d'accord qu'ils allaient être l'éditeur, même s'ils ne m'ont pas donné de l'argent avant.
On a financé le jeu nous-mêmes.
Mais l'idée, c'était de donner une expérience que vous pouvez toucher avec la souris.
Donc, en obsédés, presque, on était...
On voulait avoir une interface sans icônes.
Donc, pas d'icônes à l'écran.
Maintenant, c'est tout à fait normal.
Les jeux, aujourd'hui, c'est remarquable, parce qu'ils réduisent au minimum les interfaces, tout ça.
Mais en 2000, c'était un bordel, il y avait des icônes partout.
Alors, on voulait faire ça.
Et l'autre chose qu'on voulait faire, c'est qu'on voulait vraiment accepter et célébrer, presque, l'intelligence artificielle.
Beaucoup de gens en parlent, mais ils ne l'utilisent pas dans les jeux.
Et l'intelligence artificielle, c'est quelque chose qui est une occasion vraiment...
Une opportunité fascinante pour les jeux.
Et là, cette créature apprend.
C'était quelque chose qui allait grandir.
Je pense que c'est une idée merveilleuse.
Surtout quand on pense à voir quelque chose grandir comme ça.
Le problème de "Black & White", c'est qu'il y avait un jeu avec la créature et un autre jeu avec le monde, et essayer de mélanger les deux, ça créait un clash qui ne fonctionnait pas.
Maintenant, a posteriori, j'aurais dû sortir la créature pour lui donner son propre jeu, j'aurais dû prendre le monde de "Black & White" pour que le monde ait son propre jeu.
Mais c'était un titre extrêmement ambitieux aux propriétés extrêmement ambitieuses.
Les moteurs, tout ça, il fallait créer à partir de zéro.
Et l'équipe qu'on avait...
Le codeur principal, c'était Jean-Claude Cottier...
Je dois raconter l'histoire, parce que c'était un Français.
On avait fondé le studio...
Il y avait moi, Mark Webley, quelqu'un qui s'appelle Steve Jackson, Tim Rance...
Techniquement, on n'était pas mal, mais il nous fallait un codeur pour le moteur.
Donc, on a fait passer une pub, et les gens qui venaient nous voir étaient plutôt nuls.
Mais il y avait ce type qui est venu, et pendant toute l'interview, à chaque fois qu'on disait : "Est-ce que vous pouvez faire ça ?", il disait oui.
"Est-ce que vous savez créer un monde énorme où on peut faire des zooms ?"
"Oui."
"Vous pouvez créer cette créature animée ?"
"Oui."
Il disait oui tout le temps.
À tout.
Donc, on a dit : "Jean-Claude, on aimerait vous proposer ce boulot."
Mais en fait, il ne parlait pas un mot d'anglais.
Le seul mot qu'il savait en anglais, c'était "yes".
Mais il était extraordinaire.
Il a fait tout le moteur pour le paysage avec les zoom, tout ça.
Ça marche encore aujourd'hui.
Et c'était une équipe remarquable.
Olivier Bal, présentateur.
-Le développement de "Black & White" va s'éterniser.
Ce jeu va mettre longtemps à sortir, 4 ans de développement, c'est long.
Comment vous expliquez, avec le recul, que c'était si complexe, que ça ait mis autant de temps ?
C'est le fait que tous ces "gameplays" étaient peut-être un peu trop à se mélanger ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Il y a une autre erreur que j'ai commise.
Je vais vous expliquer cette erreur.
Ce qu'on a fait...
On avait fondé la société, on l'avait créée en 1997, je pense.
Ensuite, on est allés à l'E3, en 1998.
On était une toute petite boîte.
On était 6...
8 personnes, je crois.
Donc, on avait deux ou trois images de concepts, tout simplement, et une séquence de rendu.
On avait réservé une petite salle à l'E3.
Et c'était la première fois, je pense, que je faisais des démos hyper passionnées.
J'ai commencé à parler à la presse de "Black & White" et je parlais de mon rêve.
Mon rêve, c'était d'avoir cette créature qui vivait, qui réagissait différemment, qui utilisait l'intelligence artificielle, d'avoir ce monde qui était incroyable, qui était énorme.
Et la presse était hyper excitée par l'idée de "Black & White", même s'il n'y avait rien de jouable.
Alors, c'est là que le chrono commence.
Le chrono est déclenché et les gens disent : "C'est pour quand ?"
On n'avait même pas une équipe complète, entière.
Donc, il a fallu un an, déjà, pour trouver un bureau, pour trouver l'équipe, pour trouver tous les ordinateurs...
Encore un an pour créer les outils.
N'oubliez pas que chaque élément de "Black & White" a été inventé à partir de zéro.
Quand vous avez une créature qui doit "morpher"...
On n'a pas eu de morphing.
Il n'y a pas eu de créature qui "morphait" comme ça.
On a dû inventer l'animation mélangée, donc, il fallait qu'il y ait énormément d'outils.
Donc, là, on arrive plus ou moins en 1999.
Donc, on est allés à l'E3...
On a montré le jeu et j'ai fait une démo incroyable.
J'ai fait un zoom sur une pomme et puis j'ai "dézoomé" pour voir tout le pays.
On a gagné le "Produit de l'année".
Et c'est là qu'on a commencé à avoir des fans de "Black & White", à les rassembler.
Donc, il a fallu beaucoup de temps pour le créer et il y avait beaucoup d'outils à créer.
Mais...
On a vraiment travaillé sur le jeu pendant deux ans, je crois.
Le problème, c'est que c'était un jeu complexe, il y avait beaucoup de choses à faire.
Il fallait faire beaucoup de choses avant d'arriver à quelque chose de bien, en quelque sorte.
Il y avait la créature, et quand on tapait dessus, c'était parfait.
Mais l'interaction avec le monde, c'est entré très tardivement, très en aval.
Et jusqu'à un an avant la fin, on ne savait pas comment interagir avec le monde.
Et ce n'est qu'après qu'on s'est rendu compte qu'on pouvait prendre les personnages, les soulever, que le jeu a commencé à faire surface.
Olivier Bal, présentateur.
-Encore une fois, dans "Black & White", on retrouve une de vos thématiques, c'est l'ambiguïté morale, le choix entre le bien et le mal et surtout, placer le joueur face à ses propres conséquences.
Pourquoi vous êtes autant intéressé, depuis le début de votre carrière, par cette ambiguïté morale ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Vous voyez...
Ce qu'on essaie de faire, c'est de créer une expérience dramatique.
Et pour moi, l'expérience la plus dramatique, c'est quelque chose qui me donne le plus grand nombre de choix.
Pour moi, si j'apprends, si je joue à quelque chose, j'apprends quelque chose sur moi-même.
Les gens ne savent pas qui ils sont réellement.
J'ai toujours été fasciné par ces tests de personnalité.
Je trouve ça fascinant.
"Moi, je suis quoi ?
Je suis comment ?"
Et donc, donner des choix aux joueurs, d'être méchants comme dans "Dungeon Keeper" ou d'être un bon comme dans beaucoup d'autres jeux.
Mais on a le choix.
Et le jeu voit et interprète ces choix et montre les résultats de ces choix.
Ça, ça me passionne parce que ça parle de vous uniquement.
Et pour moi, c'est ça, qui est très particulier, dans un jeu.
Quand un jeu devient quelque chose qui exprime ce que je veux faire...
Et l'industrie a vraiment beaucoup de choses à explorer.
On en parlait tout à l'heure, on parlait de "The Last of Us"...
C'est brillant, comme jeu.
Mais les personnages étaient des stéréotypes, en quelque sorte, car c'est très difficile de faire des personnages qui vont réagir autrement.
Mais notre rêve, dans l'industrie, c'est de vous donner des personnages qui réagissent à vous, parce que vous, vous êtes un individu unique.
Et vous payez pour ça.
Et le prix de ça, c'est la moralité du jeu.
Olivier Bal, présentateur.
-Vous m'offrez une transition magnifique, car ce que vient de dire Peter, c'est exactement ce qui sous-tend la série des jeux "Fable" et leur problématique.
Enfin, c'est ce que je pense.
On va parler de "Fable".
On va regarder un "trailer" de "Fable Anniversary", qui est sorti sur Xbox 360 pour fêter les 10 ans de "Fable".
Un personnage du jeu "Fable".
-C'est par là, espèce de sale raclure !
Un deuxième personnage du jeu "Fable".
-Je ne m'ouvre jamais au premier rendez-vous.
Un troisième personnage du jeu "Fable".
-Pas de chance.
Peut-être la prochaine fois.
Olivier Bal, présentateur.
-"Fable", donc.
Avec "Fable", c'est la première fois que vous créez un jeu d'action-aventure teinté de RPG.
C'est encore cette envie de défricher, d'expérimenter de nouvelles choses, qui vous a amené vers "Fable" ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui.
"Fable" est né quand moi, Simon et Dean Carter faisions "Dungeon Keeper".
Et...
En permanence, on parlait de nos jeux préférés, de jeux de rôle.
Et Dean...
Il adorait les choses hyper compliquées, complexes.
Simon, c'était toujours des histoires avec les chiffres, les statistiques, et il y avait toujours des disputes, presque, sur ce qu'il faut pour un bon jeu de rôle.
Et après "Black & White", je me rappelais de ces discussions et de ce qu'il y avait dans "Black & White" avec le bien contre le mal, et je me suis dit : "Voilà l'occasion de faire un premier jeu de console, le premier jeu de console qui va appliquer la moralité à un jeu de rôle."
Et c'était si naturel de le faire.
Et comme ça, les RPG devenaient beaucoup plus accessibles et crédibles.
Donc, on a commencé à faire "Fable IV" pour Xbox.
C'est le premier jeu de console que j'ai fait.
Olivier Bal, présentateur.
-Au-delà du rapport aux choix moraux, "Fable" traite aussi d'un sujet qui vous tient à cœur, c'est le sens de l'émerveillement, la magie de la découverte.
C'est quelque chose qu'on ressent dans les jeux "Fable".
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Il y a des choses dans "Fable" qu'on a vues.
Premièrement, on s'est rendu compte qu'il y avait un sentiment assez incroyable.
On commence gamin et on devient adulte et au-delà.
Et on ressent cette progression.
Et là, en jouant le personnage, il y a ce sens de l'émerveillement.
Quand on est un petit gamin, on a une épée en bois, et après, à la fin, on est dans des batailles épiques.
Deuxièmement, on s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup de RPG, avant "Fable"...
C'était des choses hyper sérieuses.
Vraiment, c'était des jeux qui se prenaient au sérieux.
Et ce qu'on a fait bien, c'est d'introduire ce côté...
d'humour.
Surtout faire du mal à des poulets.
Mélanger l'humour avec le sens de l'émerveillement, le sens de l'aventure, l'impression de destin dans le monde.
Beaucoup de personnages ne sont pas là uniquement pour se faire tuer mais ont une vie, ont des mystères derrière eux.
Il y a le personnage de Theresa.
On savait, au début, avec "Fable I", qu'on allait la faire évoluer jusqu'à la fin.
L'idée de l'univers Albion, avec des héros dans cet univers...
Donc, c'était vraiment un lieu tangible, un réel.
Et Dean...
Dean Carter était formidable.
Parce que lui, en fait, il a rempli tous les petits détails du monde, et Simon, un codeur hors pair, et moi, j'arrivais avec toutes mes idées de moralité, de morphing, tout ça, Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
donc, on était une bonne équipe.
-Vous êtes arrivé sur "Fable"...
Vous bouillonnez d'idées sur le jeu, vous allez beaucoup en parler, est-ce que votre équipe, à l'époque, vous reproche d'avoir trop d'idées pour le jeu ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-On n'a pas vraiment parlé de comment je travaille avec des équipes.
Je pense que pour "Fable I", il y avait un cycle de développement un peu étrange, parce qu'il y avait Lionhead qui travaillait sur un jeu qui s'appelle "The Movies", sur "Black & White II", sur "BC" et sur "Fable".
Donc, il y avait beaucoup de choses qui se passaient.
On était 200 à l'époque.
Donc, je devais passer du temps dans chacun des projets, me concentrer sur chacun.
À un moment donné, je suis allé à l'E3, et j'étais en face d'un journaliste, je disais, par exemple : "On va parler de 'BC', et maintenant, de 'Fable', maintenant de 'Black & White II', maintenant de 'The Movies'..."
Et on s'est rendu compte qu'on avait trop de choses en cours.
Donc, on a arrêté "BC" et on s'est concentrés...
C'était vraiment dommage !
Mais on s'est concentrés sur "Black & White II", "Fable" et "The Movies".
Et le jeu sur lequel, moi, je me concentrais, c'était "Fable".
Alors...
C'est très compliqué, c'est très dur pour une équipe d'avoir un salaud comme moi qui arrive et dit : "Vous savez quoi, les gars ?
On doit faire du morphing dans le jeu."
Car à l'origine, il n'y en avait pas.
À l'origine, ça s'appelait "WishWorld".
C'était l'histoire d'un magicien, et il n'y avait pas de morphing, il n'y avait pas...
C'était des batailles de sorciers plutôt que de héros.
Et il y avait...
Cette période très difficile.
Je disais à l'équipe : "Voilà les idées qu'on doit garder, qui vont marcher et voilà les idées qu'on va rejeter."
Je respecte énormément ce qu'ils ont fait, car ils ont accepté beaucoup de choses.
Bon, ils criaient beaucoup et ils justifiaient des idées en permanence, mais...
Les gens disent souvent : "C'est quoi, le talent d'un créateur de jeux ?"
Je pense qu'un talent primordial, c'est la capacité de pouvoir montrer son idée clairement, de façon concise, aux bonnes personnes, au bon moment.
Donc, décrire une idée à un artiste, ce n'est pas la même chose que décrire une idée à un codeur et ce n'est pas la même chose que quand on parle avec quelqu'un qui fait du son.
Ça, c'est la première chose.
Le deuxième talent, c'est la capacité à stimuler les gens, avec l'idée de les exciter.
Et donc...
Très souvent, si on croit trop en son idée, on perd de vue le jeu dans sa globalité et on oublie si ça marche ou pas.
Donc, avec "Fable", on a parlé des "features" qu'on allait avoir dans le jeu...
Et on avait tout...
Voilà, ce qu'il y avait avant.
Donc, il y avait tout un tas de choses.
Entre-temps, je suis allé parler avec la presse.
Et une idée dont on a parlé, c'était de prendre la technologie qu'on avait dans "Black & White", avec des paysages, avec des arbres, et d'appliquer ça à "Fable".
J'étais là avec la presse et puis il y a eu un moment désastreux.
Épouvantable.
J'essayais de transmettre l'idée que le monde était vivant.
On avait déjà parlé de l'idée dans le bureau, j'avais dit : "Imaginez un monde, et je vous donne la capacité, dans le jeu...
Vous allez pouvoir planter un gland.
Et là, vous jouez à ce jeu pendant toute votre vie, la vie du personnage, vous pouvez revenir et vous voyez le chêne qui est en train de grandir, de pousser.
Donc, quand je suis rentré au bureau, je me suis rendu compte que d'avoir des arbres qui poussent, ça allait prendre...
des calculs énormes qu'on pouvait utiliser pour autre chose.
C'était notre premier jeu de console.
Sur PC, c'est beaucoup plus facile, parce qu'on peut rajouter des choses et que les gens doivent simplement acheter un ordinateur.
Avec la console, on est limité.
Donc, on a été obligé de sacrifier l'idée de faire pousser des arbres.
Alors, je ne sais pas pour quelle raison, je n'ai toujours pas compris pourquoi, en fait, mais le monde, vraiment, était...
Enfin, tout le monde était furieux, en fait.
J'ai même eu des menaces de mort parce que j'avais supprimé ça.
Ils disaient que j'avais survendu le projet.
Et c'est vrai, quand j'ai parlé avec la presse, au début, au début de "Fable", je parlais plus comme un développeur pour PC que pour console.
Je disais : "On a cette idée, cette idée-là", et donc, quand il fallait tout réduire, tout concentrer, il fallait bien sûr supprimer des choses.
Donc là, je regrette vraiment cette idée de gland et de chêne.
Olivier Bal, présentateur.
-Vous vous êtes un peu calmé dans vos déclarations à la presse depuis quelques années.
Vous faites plus attention.
Avec le recul, comment vous pouvez analyser le fait d'aller dans la surenchère auprès du grand public ?
À chaque fois vous y croyez vraiment ?
Vous pensez pouvoir le faire ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, il y a d'autres choses à dire, là.
Je commence maintenant à me poser la question de savoir si je ne devrais pas peut-être me retirer des discussions avec la presse.
Parce que...
Moi, je suis nul en relations publiques.
Parce que là, quand je parle avec quelqu'un, je suis créateur.
Voilà, c'est moi.
Moi, je crois si fort en ce que je fais, je crois si fort à la créature de "Black & White".
Je croyais qu'elle allait vivre et je croyais tellement que le monde de "Fable" allait être quelque chose de vivant, d'organique.
Et là, on est avec un journaliste, vous êtes en face de quelqu'un qui croit réellement.
On a l'impression que c'est une promesse, mais c'est tout simplement moi qui vous donne une idée de comment j'inspire mon équipe.
Là, quand je dis : "On doit créer l'expérience la plus incroyable pour des gens", c'est une promesse.
Mais quand j'ai dit pour "Fable" : "Je veux faire le plus grand jeu de rôle de tous les temps."
Je vais le faire.
Je n'ai pas envie de faire le dixième meilleur de tous les temps.
Donc cette capacité à être objectif, la capacité de s'asseoir et de dire : "Bon, cette idée, il y a 60 % de chances que ça reste dans le jeu."
Non.
C'est quelque chose que j'ai toujours du mal à faire.
Je parle toujours du jeu comme il est maintenant et de mon idée de ce que ça va être à l'avenir.
Ça m'a causé beaucoup de problèmes.
Et je me demande si maintenant, ce genre de personne, quelqu'un qui a cet enthousiasme...
Je pense que le monde ne recherche pas quelqu'un d'aussi enthousiaste.
Plus maintenant.
Je crois que l'industrie du jeu, maintenant, a l'habitude d'avoir des gens qui connaissent les relations publiques, des gens qui font des démos, qui ont l'habitude d'avoir des pitchs très soignés, etc.
Et je comprends.
Et que ce soit pour un film, pour un jeu, quelqu'un comme moi qui s'excite comme ça...
Le monde d'aujourd'hui ne comprend pas les gens comme ça, je crois.
Et oui, j'ai des problèmes avec ça.
Mais je ne le fais pas parce que je veux survendre le jeu, je le fais parce que vraiment, je crois passionnément en ce que je fais.
Olivier Bal, présentateur.
-J'espère qu'on continuera à vous entendre.
Ce serait triste de perdre une figure comme vous en termes de communication.
Quand même !
On va parler de "Fable II".
"Fable II" continue à explorer tout ce qu'on a développé, le voyage en Albion, tout ça, mais avec une approche un peu plus "casual gamer", un peu plus accessible.
C'était un des souhaits de départ sur ce jeu ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Ça a toujours été une passion.
Bon, je vais prendre un petit peu de recul.
Quand on est créateur, il faut être égoïste un petit peu.
Les jeux que vous créez, ce sont des jeux qui sont là pour résoudre un problème que vous avez.
Et l'objectif d'avoir ce bouton de combat dans "Fable" venait de la réalisation, comme avec "Theme Park", qu'il était dommage qu'il n'y ait qu'un petit segment du monde, un tout petit segment, une toute petite partie du monde, qui puisse jouer.
Parce qu'il fallait de la dextérité.
C'était inaccessible à un public plus large.
À l'époque, j'ai eu cette idée.
Ma copine de l'époque, qui est maintenant ma femme, je voulais qu'elle couche avec moi pour la première fois.
Donc pour la draguer...
La seule chose que je sais faire quand je drague, c'est parler des jeux vidéo.
On avait l'habitude de dire : "Pourquoi tu ne viens pas chez moi et on va jouer à un jeu ?"
Je cherchais...
En fait, je voulais tout simplement l'emmener au lit !
Mais je voulais trouver un jeu pour elle.
Et c'était difficile.
Je me suis rendu compte qu'il n'y en avait pas.
J'ai décidé de lui montrer "Fable".
On a commencé à jouer.
Et puis elle a pris le contrôleur, elle s'est jetée contre le mur, elle était frustrée.
Elle ne me sautait pas.
Donc j'ai eu cette idée.
Je me suis dit : "Bon, je vais le redessiner, le recréer, pour que ce soit plus accessible."
Deuxième chose, je voulais voir un personnage qui avait un sens pour les gens.
Je pensais aux méchants, aux bons, au fait d'avoir un enfant.
Et je me suis rendu compte que le meilleur personnage dans "Fable II" est un chien.
Parce que si un chien vous regarde comme ça, en remuant la queue...
Personne ne peut résister à ça.
Et donc, je suis très fier d'avoir mis le chien dans "Fable II".
Parce que si quelqu'un peut vraiment s'identifier au chien, quelque part, c'est merveilleux pour une histoire.
Olivier Bal, présentateur.
-"Fable II" était une belle réussite.
Vous avez donc lancé "Fable III", qui, pour le coup, va s'avérer en dessous de ses prédécesseurs.
Comment vous voyez aujourd'hui "Fable III" ?
Est-ce qu'il y avait une certaine lassitude ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Alors, une autre confession, une autre erreur de ma part.
Là, on a parlé de ce qu'il faut comme talent pour être créateur.
Il faut inspirer l'équipe et se rendre compte si une idée marche ou pas.
Mais une autre compétence du concepteur, c'est de faire voir aux gens pourquoi ils ont besoin de plus de temps.
"Fable III"...
À l'époque, Microsoft nous avait achetés.
Il y avait 160 personnes dans l'équipe qui travaillaient sur "Fable", ça coûtait des dizaines de millions de dollars.
Et l'équipe et moi-même, on commençait à devenir obsédés par l'argent dépensé et la durée du développement.
Le public, justement, nous avait critiqués parce que "Black & White" avait pris du temps.
Là encore, pour "Fable II".
"Fable I".
"Fable II", donc, avait dépassé le délai d'un an.
Donc pour "Fable III", l'équipe et moi-même étions obsédés par l'idée de terminer à temps, dans les 14 mois.
Ce que j'aurais dû faire en temps que créateur, trois mois avant la fin du jeu, j'aurais dû dire : "Non !
Non.
On n'a pas assez de temps pour que 'Fable' devienne un grand jeu."
L'idée était forte.
L'idée de : "Ça fait comment d'être un héros qui se bat contre des monstres et de devenir roi ?", ça aurait pu être brillant.
Mais on manquait de temps.
J'aurais dû voir ça, j'aurais dû utiliser chaque gramme de passion pour convaincre Microsoft et, plus important, convaincre l'équipe de prendre encore un an avec "Fable III" pour que ça devienne vraiment une expérience brillante, terminée, finie, polie.
Et malgré beaucoup de travail de la part de l'équipe, je pense que c'était un recul par rapport à "Fable II", qui était une avancée.
Olivier Bal, présentateur.
-Vers la fin de votre carrière chez Lionhead, vous révélez le projet Milo auquel vous travaillez et qui est censé montrer un peu la puissance et les possibilités qu'offre le Kinect de la Xbox 360.
Ce projet va complètement disparaître au bout d'un certain temps.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi Milo n'a pas pu se faire ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Alors, ça c'est un des plus grands regrets de ma carrière.
Ce qu'on a fait...
On était avec Microsoft et il y avait le prototype de Kinect qu'on nous a montré à Lionhead.
J'ai dit aux gens : "J'aimerais...
J'aimerais faire quelque chose, un concept pour ce truc."
Ça ne s'appelait pas Kinect à l'époque.
Là, il avait son propre processeur, il pouvait reconnaître l'espace dans la pièce avec un champ de vision très large.
Et donc j'ai fait cette démo, en fait, d'un gamin avec un robot.
Il regardait le robot et je pouvais m'approcher de l'écran et dire : "Salut, Milo."
Ils ont montré ça au siège de Microsoft.
Ils ont dit qu'ils adoraient ce clip et ils nous ont commandé le concept de Milo.
J'ai trouvé le truc, je leur ai montré, ils ont adoré le concept.
C'était ça, là.
On l'a montré à Spielberg, il a adoré.
Ensuite, on a eu le feu vert pour le transformer en jeu.
Alors, l'idée derrière Milo venait du fait qu'à l'époque, j'avais un fils de cinq ans.
Non, quatre ans.
Et si vous êtes parent, vous allez reconnaître ça.
Il y avait cette expérience incroyable de parentalité.
Quand vous pouvez inspirer un jeune enfant pour qu'il fasse quelque chose, quand vous l'aidez à surmonter un problème, que vous lui montrez quelque chose pour la première fois, il y a ce moment magnifique qui fait chanter le cœur.
Et je me suis dit : "Imaginez qu'on donne ça au monde.
Mais pas à travers un contrôleur, en fait, une télécommande, à travers une expérience dans laquelle on peut se détendre."
Kinect, pour moi, ce n'était pas faire tout ça, des grands gestes, c'était se détendre.
C'était la rencontre avec un personnage.
Inspirer un personnage et ressentir cette joie d'aider un personnage à surmonter un problème.
Donc, nous en tant qu'équipe, on a créé tout l'environnement de Milo, que personne n'a vu, on a créé cette histoire incroyable.
C'était une histoire charmante, merveilleuse, une des meilleures histoires, la plus grande histoire sur laquelle j'ai travaillé.
Et on en était au point où on aurait pu...
On n'était pas prêts à lancer, mais on était prêts à passer dans la dernière phase du développement.
Malheureusement, la décision a été prise parce que le Kinect était sorti et était beaucoup moins puissant que quand on l'avait vu au début.
Donc, la décision était que Kinect, c'était faire la fête.
C'était s'amuser, danser...
Ce n'était pas entrer en interaction avec un jeune gamin ou l'inspirer.
Donc il a été décidé d'arrêter le projet.
Mais je pense encore...
La technologie dans Milo, c'était hallucinant.
Hallucinant.
Avec...
Tellme pour la reconnaissance vocale, une technologie développée par Microsoft pour la reconnaissance vocale.
Incroyable !
Avec la caméra Kinect qu'on a là, sur Xbox 1, ça aurait mieux marché, mais bon.
C'est vraiment dommage.
Olivier Bal, présentateur.
-Est-ce que vous pensez aujourd'hui, avec l'évolution de Kinect faite par Microsoft, que le Kinect est une promesse non tenue ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Je ne sais pas si c'est une promesse qui n'a pas été tenue, parce qu'en fait, je pense que c'est un potentiel qui n'a pas été exploité.
Le Kinect est venu avec "Minority Report", le film où vous voyez Tom Cruise bouger dans l'espace.
Tout le monde pensait "Waouh !", imaginait pouvoir faire ça avec ses mains et tout...
Mais la chose qu'on oubliait avec Kinect, c'est que faire ça est épuisant.
Si quelque chose est épuisant, même si c'est stimulant et excitant...
C'est pour ça qu'on ne fait pas de l'escrime en réalité, par exemple, qu'on ne se bat pas avec des épées dans la vraie vie, parce que c'est crevant.
Là, c'est pareil.
Donc, Kinect doit me reconnaître, à mon avis, doit reconnaître mes subtilités.
Le but n'est pas de reconnaître les grands gestes.
C'est un pas dans le bon sens, en quelque sorte.
Dans 20 ans, on va pouvoir me voir faire ça tout simplement.
Juste tapoter les deux doigts comme ça, tout légèrement.
On va reconnaître mon œil qui brille, reconnaître le fait que je fronce un peu les sourcils.
Mais bon, Kinect aujourd'hui n'en est pas capable.
Le Kinect d'origine, je pense.
Moi, on m'a vendu ce potentiel, mais le Kinect final n'a pas...
N'a pas...
donné.
Mais c'est quelque chose qui doit exister, c'est un moment dans le gaming et c'est un moment...
Il faut continuer à évoluer.
Olivier Bal, présentateur.
-Entre 2005...
Enfin entre 2005 et 2009, vous êtes très exposé médiatiquement et vous allez recevoir beaucoup de prix, de récompenses.
En 2005, vous êtes fait officier de l'Ordre de l'Empire britannique par Élisabeth II.
En 2007, on vous fait chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres en France.
Comment vivez-vous ces récompenses ?
On voit des photos.
Ça fait quoi de devenir une institution du jeu vidéo ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Il faut dire d'abord que ces récompenses ne sont pas des récompenses pour moi, mais pour les gens avec qui je travaille.
Alors tout le monde dit ça, évidemment.
Mais c'est difficile d'exprimer ce que ça veut dire réellement.
Quand on est là et qu'on reçoit la récompense, il y a votre nom et pas le nom de votre équipe.
Et ce sont des gens brillants avec lesquels j'ai travaillé.
Mais...
À vrai dire, je pense que je n'ai pas encore mérité ces récompenses.
C'est merveilleux, c'est incroyable de les recevoir.
C'est pour ça que j'ai fondé une autre société, j'ai besoin de me sentir digne de ça.
Parce qu'il y a des gens qui reçoivent...
Je me souviens, quand j'ai reçu l'OBE, l'Ordre de l'Empire britannique, il y avait quelqu'un qui avait cartographié l'Antarctique.
Et moi, j'avais fait des jeux vidéo !
Donc, j'ai l'impression que c'est mon devoir d'aller plus loin.
D'aller plus loin afin de mériter ces honneurs.
Donc, ça veut dire que je dois travailler plus dur.
Je travaille plus dur maintenant qu'à tout autre moment de ma vie.
Ce n'est pas la seule raison, mais c'est en partie parce que je dois justifier ce genre d'honneur, de récompense.
Olivier Bal, présentateur.
-Justement, en parlant de relever de nouveaux défis, à la fin du développement de "Fable : the Journey", vous quittez Lionhead et Microsoft.
Vous étiez directeur des studios Microsoft, c'est quand même un poste assez hallucinant, et vous décidez de créer un nouveau studio, 22Cans, avec un nouveau projet complètement atypique qui s'appelle "Curiosity".
On va regarder un trailer pour vous rappeler ce qu'était ce projet et on en parle après.
"CURIOSITY - 2012" "Curiosity" "22CANS" "We brought the world together to answer one question : What's inside the cube ?
This is what happened..."
Un jeune joueur.
-You know this.
Un joueur.
-Someone has written some expletives on the cube !
Son ami.
-Amazing !
Un joueur off.
-See what's inside the box.
What's in the box ?
What's in the box ?
Voix off.
-It's just a mad free-for-all.
Olivier Bal, présentateur.
-Donc, "Curiosity" est un projet avec un concept d'une simplicité assez déroutante.
C'était votre envie d'aller vers quelque chose de très épuré, très simple, très accessible ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Mon travail, l'opportunité que j'ai et la totalité de ma carrière commencent à converger.
Tout converge vers un point.
Un moment dans le temps.
Nous avons l'occasion maintenant de faire des jeux qui relient des millions de personnes, des millions de personnes ensemble dans une expérience qu'ils n'ont jamais vécue avant.
Et ça, ça va faire que tout ce qu'on a fait jusque-là paraîtra insignifiant.
Voilà les idées folles que j'ai en ce moment.
Alors si vous connectez les gens ensemble pour la première fois, tout genre de personne, il faut essayer des choses.
Il faut expérimenter.
Et la première chose, là, c'est "Curiosity".
C'est cette idée...
Voilà.
Je dis : "Il y a quelque chose dans cette boîte."
C'est tout ce que je dis.
"Alors est-ce que vous êtes prêts à faire l'effort de voir ce qu'il y a à l'intérieur ?"
Donc on a lancé "Curiosity" en pensant qu'il serait téléchargé 50 000 fois.
Il y a plus de gens qui ont tapé sur le cube de "Curiosity" que de gens qui ont joué à "Fable".
Donc, c'est incroyable.
Donc, on a dépassé de six mois.
Il y a des milliards de personnes qui ont tapé sur des écrans à travers le monde.
Et on a appris énormément de choses de cette expérience.
Comme ça, nous allons pouvoir construire Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
le monde qu'on construit actuellement.
-Au sujet de "Curiosity", j'ai un invité surprise qui a voulu vous poser une question sur ce jeu.
On va regarder.
Jenova Chen nous envoie une question pour vous sur "Curiosity".
Il n'a pas pu faire de vidéo.
Donc, il nous l'a envoyée par écrit.
Là, c'est la version en anglais pour que Peter puisse la lire.
On va vous la mettre après en français.
"When we are talking about design in the general sense, beyond even games, there are countless examples of 'great' design and 'poor' design.
These examples form a canon for guiding designers intheir work.
Now that you are designing free-to-play games, what is the canon for good and beautiful monetization design ?"
Jenova Chen Olivier Bal, présentateur, puis Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Vous pouvez la mettre en français.
-Bonne question !
Olivier Bal, présentateur.
-Sacrée question.
"Quand on parle de design au sens large, au-delà même des jeux, il y a un nombre incalculable d'exemples de designs brillants et de designs ratés.
Tous ces exemples constituent une 'bible' pour guider les designers dans leur travail.
Maintenant que vous avez créé des jeux free-to-play, quel est selon vous le modèle idéal pour de bons et intelligents concepts de monétisation ?"
Jenova Chen Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
-Alors on pourrait passer une heure là-dessus.
Il me reste combien de temps ?
-Pas beaucoup de temps.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Je vais essayer d'être bref, mais quand on essaie de concentrer un grand sujet comme ça, c'est dangereux.
Alors pour moi, il est clair que le design actuel pour les jeux free-to-play est mauvais.
Ce n'est pas ce qu'il faut, ce n'est pas bon.
Et la chose qui est mauvaise, c'est que 90 % des revenus pour ces jeux free-to-play viennent de 5 % du public.
Et là, c'est clairement mauvais.
On appelle ces gens-là des "baleines".
Ce sont des gens qui dépensent des centaines de dollars sur un jeu.
Donc mon premier canon, ma première bible en quelque sorte, c'est : Je veux avoir un dollar de 90 % de mon public.
Pas 100 dollars de 5 %.
Alors la deuxième chose, c'est la mécanique.
Ce sont des gens qui réfléchissent, pas des gens qui sont limités.
Il s'agit du choix.
Vous, vous avez le choix.
Et il faut vous respecter vous, en tant que personne qui s'investit dans l'expérience.
Donc le deuxième canon, c'est donner le choix aux gens de dépenser l'argent ou pas.
Et donc, c'est un investissement.
Ce n'est pas passer par une porte, ou passer un portail, une barrière.
Et la troisième chose, c'est que si quelqu'un dépense de l'argent sur un jeu, quand ils ont ce choix, là, c'est les cinq étoiles ultimes.
Donc, célébrez ça.
Respectez ça.
Ça nous permet de voir cet argent autrement.
Parce qu'actuellement, avec les jeux free-to-play, on va avoir autant d'argent le plus rapidement possible.
Et quand je dépense cet argent, hop, il faut dépenser encore plus.
Voilà : "Tu as dépensé ?
Il faut dépenser plus."
Si ça marche, si le free-to-play devient une façon de monétiser...
Il n'y a pas de problème avec la monétisation.
Mais il faut que ce soit responsable, il faut que les gens se sentent bien quand ils dépensent.
Voilà la réponse courte.
Olivier Bal, présentateur.
-On va parler de votre second projet, "Godus".
On va regarder un rapide trailer.
"Godus" "22CANS" Voix off.
-Qu'est-ce que "Godus" ?
Imaginez un monde que vous avez créé, rempli de personnes qui vous considèrent commeleur Dieu.
Imaginez un monde qui se multiplie à l'infini, où vos pouvoirs de Dieu peuvent façonner le monde vivant.
Par la beauté ou par la destruction.
Au bout d'un certain temps, votre peuple évoluera en une nation prospère qui sera peut-être un jour si évoluée qu'elle pourra conquérir l'espace.
Ce qui est encore plus incroyable, c'est que votre monde est connecté avec les mondes de tous les autres joueurs de "Godus".
Tout le monde jouant ensemble à écrire l'histoire d'une planète entière.
Jusqu'à 50 millions de joueurs pourront diriger jusqu'à 3 000 milliards de personnages sur une planète de la taille de Jupiter.
"Godus, the regenesis of the godgame" Olivier Bal, présentateur.
-Alors pourquoi revenir au "god game" après toutes ces années ?
Vous aviez encore des choses à raconter, des choses à montrer ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Eh bien...
On pourrait en parler encore une heure si vous voulez.
Donc...
Mon rêve, c'est de créer un jeu qui, pour la première fois, connecte les gens.
C'est pour ça que je suis parti de Microsoft, c'est pour ça que nous avons expérimenté avec "Curiosity", c'est pour ça qu'on est allés voir Kickstarter, c'est pour ça que nous avons sorti ça sur Steam pour un accès précoce, même si ce n'est pas lié à l'expérience qu'on va avoir à la fin.
Ce sont mes notes, tiens.
Parce que moi, je pense qu'on peut faire un jeu qui va fasciner les gens partout dans le monde.
Et qu'ils vont vouloir jouer ensemble.
C'est ça un "god game", à mon avis.
Ce n'est pas moi qui suis un dieu, c'est nous tous qui sommes des dieux dans ce monde incroyable.
Et on va réécrire l'histoire de l'homme.
Bon, ça a l'air totalement fou, ça a l'air énorme, mais là, les jeux sont vraiment à la frontière de ça, vraiment sur le bord de...
Je ne sais pas ce qu'il y a de marqué là.
Mais là, vraiment, on est à l'orée de cette possibilité de créer ensemble.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo, puis Olivier Bal, présentateur.
Et je veux que "Godus" soit comme ça.
-Je suis certain que vous aurez des questions sur "Godus".
On va finir avec les perspectives, et plutôt que de faire un bilan de votre carrière, le plus sympa est de laisser un dernier invité surprise vous poser une question très juste sur votre carrière.
Non, ce n'est pas en vidéo.
Une dernière personne voulait vous poser une question.
"Surprise" Éric Chahi, créateur de "Another World", "From Dust".
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Ah !
"What would you do if you could travel back in time and give an advice to yourself at your early beginning ?"
"Si vous pouviez voyager dans le temps, quel conseil donneriez-vous à Peter Molyneux jeune, à ses débuts ?"
Olivier Bal, présentateur.
-C'est une très belle question.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-J'ai fait des erreurs épouvantables.
Mais ce gamin à l'école qui ne devait réussir aucun examen, car on m'avait dit que je n'arriverais à rien, je peux lui dire quoi ?
"Ça va être un voyage incroyable."
Parce que le voyage a été incroyable.
Et je pense que je vis encore un rêve, quoi.
Je crois que mon conseil à moi-même plus jeune serait : "Ne faites pas des jeux avec des tapis volants.
Ne parlez pas de planter des graines pour faire des chênes."
Mais ça a été une vie remarquable.
Je ne changerais rien, je pense.
Olivier Bal, présentateur.
-Merci pour la jolie réponse.
On va enfin passer aux questions du public.
Peter, on va aller là-bas.
Merci pour lui.
Merci pour Peter.
You can sit over there.
N'hésitez pas.
Posez vos questions en français s'il vous plaît.
Si vous voulez la reposer en anglais, n'hésitez pas non plus.
Ça facilitera le travail des traducteurs.
Levez-vous, présentez-vous.
On est à votre écoute.
Ghislain Delmas, enseignant-chercheur à l'université Paris VIII.
-Bonjour, je suis Ghislain Delmas, enseignant-chercheur à université Paris VIII.
Tout d'abord, je voulais vous remercier pour cette interview très intéressante et je voulais vous demander, puisque vous faites partie des créateurs qui ont promu et mis en avant l'idée de faire des choix moraux importants à l'intérieur des jeux vidéo...
Actuellement de plus en plus de jeux s'intéressent à cet aspect-là, mais ils restent dans des choix binaires : le bien contre le mal, la lumière, les ténèbres, le pragmatisme et la conciliation.
Pensez-vous que, prochainement peut-être, les jeux pourraient nous amener à des choix plus complexes, à des questions morales moins binaires avec des choix parfois plus difficiles et pas toujours deux camps opposés ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Je pense que la réponse ici est que premièrement, il y a des choix moraux qui doivent continuer à être binaires.
Je vais vous donner un exemple.
C'est un exemple fascinant de "Godus", le jeu que je fais actuellement.
Il y a des moments dans le jeu où vos followers ont besoin de conseils moraux.
Ils vont vous dire, par exemple : "Les femmes doivent-elles rester à la maison s'occuper des enfants ?
Les femmes doivent-elles sortir travailler avec les hommes ?
Les hommes doivent-ils rester à la maison s'occuper des enfants ?"
Alors là, il y a un petit avantage pour chacune des possibilités.
C'est aussi une expérience connectée.
Donc, vous allez voir quels sont les choix faits par le monde.
60-70 % des gens vont dire : "Les hommes doivent travailler à l'extérieur, les femmes doivent rester à la maison."
C'est binaire.
Ça peut être intéressant quand vous savez comment les autres ont fait tel ou tel choix.
Ce qui est plus intéressant pour moi, c'est de vous regarder jouer.
Je vous regarde jouer et votre style de jeu évolue.
Pendant une période cohérente, vous commencez à oublier les choix moraux.
Donc, si vous êtes très impatient, ça veut dire quelque chose.
Si vous êtes...
Si vous êtes quelqu'un qui force le destin rapidement, vous pouvez être cruel.
Donc, on peut être beaucoup plus subtil avec notre interprétation morale de votre "gameplay".
C'est un mécanisme intéressant.
Apprendre des choses sur vous-même, c'est fascinant.
Et là, voir ce que font les autres, c'est hyper fascinant.
Olivier Bal, présentateur.
-Une autre question ?
Là-bas.
N'hésitez pas, profitez-en.
Pascal, auditeur.
-Hello.
Hello, my name is Pascal.
I am an unemployed geek.
Le traducteur.
-Je suis un geek au chômage.
Pascal, auditeur.
-Yes ?
Pascal, auditeur, puis le traducteur.
So, my question is...
-Donc, ma question...
Pascal, auditeur, puis le traducteur.
-With "Curiosity", -Avec "Curiosity", c'est comme si vous étiez allé vers le "art gaming".
Et je me demandais...
Est-ce que vous avez une bonne connaissance de l'"art gaming" ?
Et...
Pascal, auditeur.
-It's kind of annoying to hear my voice !
Olivier Bal, présentateur, puis Pascal, auditeur.
-Pour nous aussi.
-Yeah.
And if you...
You would be...
Olivier Bal, présentateur.
-Pose ta question en français.
C'est plus simple.
Pascal, auditeur.
-Est-ce que vous voudriez faire un pas vers les jeux artistiques, être un plus grand contributeur ?
Parce que vous semblez vouloir faire des jeux artistiques dans un monde de gamers compétitifs, et je pense que vous pourriez être une sorte de pont entre ces deux mondes qui se détestent un petit peu.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Oui, je pense que vous voulez dire : "Est-ce que je veux quelque chose qui a des mérites artistiques ?"
"Curiosity", je pense, en faisait partie.
"Godus" aussi, je pense.
Mais il ne faut pas que ça devienne une niche.
Et l'"art game" pour l'"art game".
J'ai vu beaucoup de jeux qui ont l'air très beaux, très stylisés.
Mais cette beauté, en fait, gêne le "gameplay".
Alors, j'ai toujours cette envie passionnée de permettre aux "core gamers", aux "casual" aussi, de jouer ensemble.
Si on avait du temps, je vous expliquerais comment on fait ça avec "Godus".
Mais j'adore faire des choix stylistiques intéressants.
Mais vous savez, le problème que nous avons actuellement, et là vraiment c'est quelque chose qui hante l'industrie un petit peu et nous dirige un petit peu dans notre développement, c'est le fait que nous, en tant que développeurs, nous devons supporter le multiplateforme.
Pour chaque tablette, pour les browsers sur PC, sur console, on doit tout faire, en fait, couvrir toutes les plateformes.
Donc, il y a des choix très difficiles, surtout quand on parle de la deuxième génération d'iPod touch.
Quand on veut faire des choses, ça manque tellement de puissance.
J'espère avoir répondu à la question.
Olivier Bal, présentateur.
-Une autre question, s'il vous plaît.
Au premier rang.
Auditeur 3.
-Bonjour.
C'était pour savoir, quand vous avez eu l'idée de faire "Curiosity", avec la question "Qu'y a-t-il dans le cube ?", aviez-vous déjà la réponse en tête ?
Est-ce que c'était déjà l'envie que vous aviez ?
Beaucoup de personnes se posaient la question et jouaient pour savoir ce qu'il y avait dans le cube.
Et est-ce que vous n'avez pas eu peur de décevoir les gens ?
Est-ce que c'était directement lié à "Godus" ?
Est-ce que la récompense était liée à l'annonce d'un nouveau jeu ?
C'est un peu long, comme question.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Si on veut faire une expérience, en fait, il faut être courageux.
Et...
peu importe ce qu'il y a dans le cube, des gens vont être déçus.
Mais ce qui est le plus incroyable avec le centre de "Curiosity" reste à voir.
Parce que la personne qui est arrivée au centre devient Dieu des dieux.
Il a déjà gagné, je crois, 20 000 dollars de "Godus".
Et à la sortie, il va peut-être pouvoir gagner des centaines de milliers de dollars.
Ça va changer sa vie.
Alors, je savais toujours que c'était ça le centre du cube.
Et je savais qu'on était obligé de faire "Curiosity" pour pouvoir travailler sur la technologie.
Mais il fallait aussi trouver le premier Dieu des dieux, la première personne qui allait régner sur cette planète, sur Jupiter.
Et dans un sens, ça a marché incroyablement bien.
Et je crois que les gens vont apprécier la valeur du prix et se rendre compte de sa valeur quand eux pourront être Dieu des dieux.
Olivier Bal, présentateur.
-Une autre question ?
Émilien Gorisse, producer chez Nadeo.
-J'ai déjà un micro.
Émilien Gorisse, producer chez Nadeo.
Les jeux vidéo, souvent, explorent les rêves et les fantasmes des joueurs, comme par exemple voler sur un tapis volant, être un dieu, ce genre de chose.
Vous semblez particulièrement prompt à vouloir explorer ce genre de rêve chez les joueurs.
Quels sont les prochains rêves que vous aimeriez explorer et quelles technologies présentes ou futures vous aideraient à explorer ces rêves et ces envies chez les joueurs ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Pour moi, un jour, on va pouvoir avoir une immersion dans les jeux.
Oculus Rift, par exemple, est un pas en avant, Kinect, c'est du progrès.
Mélanger les deux, peut-être, c'est du progrès, un pas en avant.
Mais si vous me dites : "Voilà, on pourrait avoir une intervention chirurgicale, on met une puce dans le cerveau, il y a une chance sur dix que ça fonctionne, mais vous serez immergé dans le monde", moi j'accepterais.
Sans hésiter.
Parce qu'être réellement en immersion totale, perdre la manette, être vraiment dans le monde, c'est incroyable.
Alors, je vais faire évoluer "Godus" pendant un petit moment.
Parce que c'est tellement fascinant de voir comment tout le monde s'accorde en jouant, en fait.
Et faire passer les gens dans ce voyage du début où il y a ce peuple primitif jusqu'à la conquête spatiale, en fait, c'est incroyable.
Et si j'étais parieur...
J'ai quelques idées sur des jeux.
Mais il y aura des technologies permettant de connecter les gens, avec d'autres interfaces peut-être.
Olivier Bal, présentateur.
-Une autre question ?
Là.
Tristan Belotti, étudiant.
-Bonjour.
Tristan Belotti.
Je suis étudiant et également rédacteur sur Playsmart.
J'avais une petite question sur votre évolution.
Vous parlez beaucoup d'évolution dans vos jeux.
Vous êtes parti du PC, vous vous êtes approché de la console avec "Fable", et là vous partez, avec "Curiosity" et "Godus", vers le mobile.
Que pensez-vous de cette plateforme ?
Comment peut-elle évoluer ?
Que peut-elle apporter au jeu vidéo ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-À mon avis, le mobile est un des meilleurs appareils.
Pour le jeu, c'est merveilleux.
Pas pour les "core gamers", car il n'y a pas encore les jeux qu'il faut.
Il y a environ 10 000 nouveaux gamers qui "naissent" tous les jours.
Hier, 49 000 personnes ont joué à "Clash of Clans" pour la première fois.
Ça, c'est une occasion incroyable.
Et s'il y a quelqu'un de l'industrie dans la salle, il faut accepter cette opportunité.
Parce que si on fait ce qu'il faut, si vraiment on fait ce qu'il faut, si on prend ces petites pousses vertes, ces petits gamers, et qu'on les traite comme il faut, là, le fantasme d'avoir le jeu vidéo comme étant la forme dominante de divertissement va devenir réalité.
Donc, ça veut dire qu'il faut que les choses soient accessibles, il faut que ce soit clair, beau, il faut que ce soit quelque chose qui fête le côté unique de chaque personne.
Quelque chose qui est agréable à jouer pendant 5 minutes sur plusieurs semaines, plusieurs mois.
Donc là, je pense qu'il y a une occasion énorme pour l'industrie.
C'est épouvantable d'un côté, parce que le toucher...
Moi, des fois, je voudrais avoir une souris en tant que créateur, parce que le doigt...
On ne sait pas exactement où se trouve le doigt du joueur.
Mais bon, aucun dispositif n'est parfait.
Olivier Bal, présentateur.
-Il reste une dernière question.
Cherif, auditeur.
-Bonjour, je m'appelle Cherif.
Par rapport à "Curiosity" et peut-être "Godus", vous avez utilisé la technologie Unity.
D'ailleurs, vous aviez annoncé "Curiosity" à l'UNIT 2012, je crois.
Avez-vous travaillé avec Unity pour faire ce jeu ?
Est-ce qu'ils ont modifié le moteur ou est-ce uniquement vous et votre studio qui avez fait le jeu ?
Et est-ce que du coup, ça a servi de démo technique pour Unity ?
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Moi, je suis fan de Unity.
On l'a utilisée pour "Curiosity" et ils nous ont beaucoup aidés.
Mais en fait, c'était notre technologie principalement.
Ils n'ont jamais pensé à quelque chose comme "Curiosity".
Actuellement, pour des raisons techniques, on est passés sur Marmalade.
Donc le "middleware", il y a du pour et du contre.
Mais les encodeurs détestent l'utiliser.
Mais moi, je suis fan de Unity et fan de Marmalade.
Parce que ça nous permet de travailler sur des idées de façon quasi instantanée.
C'est pour ça que "Black & White" a pris autant de temps.
Il nous a fallu deux ans pour écrire la technologie avant de voir quelque chose.
Ce qui est merveilleux avec Unity malgré le coût, et ce qui est bien avec Marmalade malgré les lourdeurs, c'est que les codeurs peuvent travailler beaucoup plus rapidement.
Olivier Bal, présentateur.
-OK.
Je vais passer aux remerciements.
Je voudrais avant toute chose vous remercier d'être là ce soir.
Ça nous touche que vous soyez fidèles aux masterclass.
On est désolés des couacs techniques qu'il y a eu au début.
Soyez indulgents.
C'est une première en anglais pour nous.
Ça vous aura permis de bosser votre anglais !
Merci infiniment de votre fidélité, merci d'être là.
Ça fait vraiment plaisir.
Je voudrais remercier nos partenaires, la Cité des Sciences et de l'Industrie qui nous héberge dans ce magnifique auditorium.
Allez voir "Jeux vidéo : l'expo".
C'est jusqu'à cet été.
C'est une très belle expo juste au-dessus.
Notre autre partenaire est Orange, qui nous soutient, qui est là à tous les rendez-vous et qui est force de proposition.
Ça fait plaisir de partager cette passion, cet univers, avec eux.
Enfin, toute l'équipe de "Jeux Vidéo Magazine", sans qui ces masterclass n'existeraient pas.
Spéciale dédicace à un homme de l'ombre, Jean-François Morisse, l'initiateur des masterclass sans qui ce projet n'existerait pas.
Je remercie aussi chaleureusement les traducteurs, Bernard et son équipe, qui ont fait du bon boulot malgré les problèmes techniques.
Merci.
Et enfin, bien évidemment, je voudrais remercier Peter.
Merci infiniment d'avoir été avec nous.
C'est un très beau cadeau.
Je pense qu'on a retenu ce soir de belles leçons de vie qui dépassent le jeu vidéo.
Voilà.
C'est important de dire que Peter est venu sans aucun plan promo, sans rien.
Il est juste là pour vous.
C'est assez rare.
Merci de l'applaudir chaleureusement.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-Je dois vous remercier aussi.
Parce que si vous avez joué à mes jeux depuis des années, merci pour les royalties !
J'apprécie énormément.
Si vous m'avez insulté, merci de m'avoir inspiré, parce que j'adore changer des choses, j'adore écouter ce que vous avez à dire.
Merci en tout cas de m'avoir suivi ou de vous être intéressés de quelque manière que ce soit.
C'est un grand honneur pour moi de parler de ma vie un peu bizarre avec vous.
Merci beaucoup.
Olivier Bal, présentateur.
-Merci, Peter.
Peter Molyneux, créateur de jeux vidéo.
-That was great !

Peter Molyneux

Figure incontournable du milieu vidéoludique, le britannique Peter Molyneux est à l’origine de célèbres studios de développement (Bullfrog et Lionhead Studios). Il est l’un des principaux créateurs d’un genre de jeu vidéo, le god game, qu’il popularise avec Populous en 1989. Suite à ce premier grand succès, Peter Molyneux travaille sur de nombreux titres très célèbres comprenant entre autres : Powermonger (1990), Syndicate (1993) et sa suite Syndicate Wars (1996), Theme Park et Magic Carpet (1994), Dungeon Keeper (1997), Black and White (2001) et la série Fable à partir de 2004. Génie controversé, Peter Molyneux est aussi connu pour l’ambition démesurée qu’il place dans le développement de ses futurs jeux. Il reçoit l’insigne de chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2007.

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