Quelle expertise pour la gouvernance mondiale de l’environnement ?

Face aux défis du changement climatique, le Sommet de Copenhague (décembre 2009) n’a pas répondu aux attentes, et les controverses se sont amplifiées, en particulier sur le rôle et l’action du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Un an après cette crise, et au moment où se met en place une structure d’expertise internationale analogue au GIEC dédiée à l’analyse des causes et des conséquences de l’érosion de la biodiversité, Universcience propose une première rencontre pour débattre du rôle des différents acteurs engagés dans cette entreprise d’anticipation des risques environnementaux à l’échelle planétaire.

- Que peuvent les sciences dans ces domaines ? Quelles sont les disciplines impliquées ? Quel statut donner aux projections et aux scénarios proposés par les communautés scientifiques ? Comment faire avec les incertitudes inhérentes à ces exercices d’anticipation des risques ?
- Comment le monde politique peut-il s’approprier ces données ? Quelle « langue commune » faut-il inventer ? Quelle « gouvernance » peut s’organiser pour mettre en œuvre les bonnes décisions, quand celles-ci sont nécessairement d’échelle globale ?
- Quel est, dans ce jeu, le rôle de la société civile, des ONG, des citoyens ? Quelles sont les meilleures formes à trouver pour la participation de ces acteurs à une délibération collective qui nous concerne tous et dont les impacts sont multiples ?

Avec la participation de nombreux responsables internationaux qui ont joué un rôle de premier plan au cours de la période récente, cette rencontre a vocation à ouvrir une réflexion partagée sur un problème majeur : comment, entre science, politique et société, construire une responsabilité collective qui nous permette de « prendre soin » du monde ?

Le comité scientifique :

Didier Babin, chargé de programme sénior, secrétariat de la convention des Nations Unies sur la diversité biologique. Bernard Chevassus, directeur de recherche à l’Institut national de recherche agronomique (INRA). Amy Dahan-Dalmedico, directrice de recherche au CNRS, Centre Alexandre Koyré (EHESS-CNRS). Olivier Godard, directeur de recherche au CNRS, Laboratoire d’économétrie de l’école polytechnique. Michel Griffon, directeur général adjoint de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Stéphane Hallegatte, économiste, ingénieur climatologue à Météo-France, chercheur au Centre international de recherche sur l’environnement (CIRED). Marc Lipinski, directeur de recherche au CNRS, ancien vice-président du Conseil régional d’Île-de-France en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Jacques Weber, directeur de recherche au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

Colloque animé par Mathieu Nowak, journaliste scientifique.

 

La gouvernance mondiale du changement climatique

Mon intervention concerne les politiques scientifiques qui s’intéressent aux menaces environnementales. Au niveau mondial, ces menaces comme le changement climatique et le déclin des écosystèmes, font partie des menaces les plus graves qui pèsent sur nos existences et sur celles de nos enfants. On ne compte plus les appels à une gouvernance fondée sur la connaissance de ces questions, d'Al Gore à E.O. Wilson et à Gro Harlem Brundtland. De meilleures politiques – au sens de politiques ayant des chances d’atteindre les objectifs de prévention face à l’effondrement des grands écosystèmes mondiaux sur lesquels est basée notre existence – doivent se baser sur les connaissances consensuelles des scientifiques, afin de fixer des objectifs environnementaux raisonnables aux futures réglementations.
Mais certains critiques rappellent que la connaissance, même (ou notamment) celle qui s’appuie sur les experts, est toujours politique. Je dirai en quoi les connaissances d’origine scientifique sont politiques, pour expliquer ensuite que, malgré leur validité, tous les choix de politiques publiques sont politiques de ce point de vue et que les conseils provenant des scientifiques, s’ils sont formulés correctement, valent mieux que l’absence de tout fondement scientifique. Je présenterai plusieurs cas de négociations internationales sur les menaces environnementales globales qui ont bénéficié d’un apport scientifique et proposerai certaines conditions dans lesquelles une gouvernance basée sur la science a des chances d’échapper au biais politique le plus grossier, pour pouvoir contribuer ainsi de manière sensible à une meilleure qualité environnementale.

Peter Haas, professeur de Sciences politiques à l’université du Massachusetts (MIT)

 

Science, prévision, prospective

Comment estimer l’impact de l’activité humaine sur le climat ?
Les émissions de gaz à effet de serre engendrés par l’activité humaine perturbent l’équilibre radiatif de la Terre. La confrontation entre les tendances climatiques observées et les résultats de simulations numériques du climat indiquent que les tendances récentes ne peuvent pas être le résultat de la variabilité naturelle du climat et résultent de cette perturbation anthropique. L’exposé montrera comment les modèles de climat sont construits et utilisés pour répondre aux nombreuses questions concernant cette pression anthropique. La confiance que l’on peut accorder aux projections climatiques sera discutée en faisant ressortir les aspects liés au réalisme des simulations, à la complexité du système considéré et aux échelles spatio-temporelles traitées. Il montrera également les limites de l’exercice prospectifs et les interrogations scientifiques qu’il soulève.
Pascale Braconnot

Paul Leadley, professeur d’écologie à l’université Paris-Sud

Pascale Braconnot, chercheure au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement ( LSCE / IPSL

Valérie Masson-Delmotte, climatologue, Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CEA-CNRS), membre du GIEC

Xavier Timbeau, directeur du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

 

Quelles interfaces entre science et politique ?

Le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM/ICES) coordonne et encourage la recherche marine sur l’océanographie, l’environnement, les écosystèmes marins et les ressources vivantes de l’Atlantique Nord. Les membres de la communauté CIEM sont constitués de tous les pays côtiers de l’océan Atlantique et de la mer Baltique avec des membres associés de la Méditerranée et des pays de l’hémisphère Sud. Le CIEM est un réseau de plus de 1600 scientifiques de 200 instituts liés par la convention du CIEM qui ajoute une valeur ajoutée aux efforts nationaux de recherche. Les scientifiques qui travaillent avec le CIEM mettent en commun leur connaissance sur les écosystèmes marins. En plus de remplir les lacunes dans les connaissances nationales, ces résultats scientifiques permettent de développer l’expertise collective pour émettre des avis qui se veulent non biaisés et non politiques. La vision du CIEM est de regrouper la communauté scientifique compétente, responsable et crédible concernant les écosystèmes marins et leur anthropisation. Le CIEM a été établi en 1902 à Copenhague au Danemark par 8 nations concernées à la fin du 19ème siècle par le bon état des stocks de poisson en mer du Nord en joignant leurs efforts pour promouvoir, encourager la coopération scientifique et émettre des avis communs.
Après une présentation de la structure et du fonctionnement du CIEM, une attention particulière sera portée sur la manière dont cette organisation émet des avis à la demande de ses états membres, de la commission européenne et des conventions internationales.
Maurice Heral

Michèle Pappalardo, commissaire générale et déléguée interministérielle au développement durable

Maurice Heral, chargé de mission à l'IFREMER, délégué français au Conseil International pour l'Exploration de la Mer (CIEM)

Shardul Agrawala, économiste principal à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Amy Dahan-Dalmedico, directrice de recherche au CNRS, directrice adjointe du Centre Alexandre Koyré (EHESS-CNRS)

Marc Lipinski, directeur de recherche au CNRS, ancien vice-président du Conseil régional d’Île-de-France en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

 

Le rôle de la société civile : citoyens et ONG

L’écologie est une dynamique politique porteuse de nouveaux droits.
L'écologie est la grande question politique et citoyenne du 21ème siècle car elle touche aux fondamentaux des droits et devoirs (droits fondamentaux comme l'accès à l'eau ou à la nourriture), de la justice, de la propriété (marché contre biens collectifs). Elle est au centre du contrat politique qui lie les hommes et leur mode de gouvernance.
La non-résolution de la crise écologique et des tensions sociales et politiques qu'elle va générer peut remettre en cause la trajectoire démocratique de nos sociétés.
Trop souvent, les échanges entre représentation politique et société civile organisée (syndicats, ONG ou autres associations citoyennes) ne se font que dans le dernier temps de l’élaboration des plate-formes électorales. Les ONG sont souvent consultées pour valider et légitimer ce qui a été déjà écrit ailleurs par les technostructures partisanes.
Il conviendrait, au contraire, de mettre en place une cadre souple, respectueux des objectifs et identités de chacun, permettant la confrontation d’idées afin de mieux collaborer et co-élaborer ce qui sera soumis au suffrage des Français.
Travailler en amont ensemble c’est aussi accepter une expression politique autre qu’électorale. Pour cela, il faut donner l’impression que la représentation politique tourne le dos à une approche opportuniste au profit d’une approche partenariale qui permette de mobiliser et mettre en mouvement la société.
Serge Orru

Serge Orru, directeur général de WWF France

Pierre Radanne, président de 4D et de Futur Facteur 4

Benoît Faraco, fondation Nicolas Hulot

Joyetaa Gupta, professeure en sciences politiques à l’Institut des études environnementales au Vrije Universiteit d’Amsterdam et à l’UNESCO - Institute for Water Education

Charlotte Halpern, chercheure de la Fondation nationale des sciences politiques, Laboratoire Politiques publiques, Action politique, Territoires (PACTE) / Institut d’études politiques de Grenoble

 

Le rôle des médias et d’Internet

Nicole d’Almeida, professeure au CELSA/Paris Sorbonne

Raphaël Hitier, journaliste Sciences à ARTE

Sylvestre Huet, journaliste à Libération

Marine Soichot, post-doctorante au Muséum National d'Histoire Naturelle, (UMR 208 Paloc), rédactrice en chef du site internet Pri(sm)e de tête

Pierre Barthélémy, journaliste scientifique, blog Sciences et environnement "Globule et télescope"